Friday 23 December 2011

Revue de presse

Si vous remplacez "Automobile" par "vin" et "Allemands" par "Italiens/Espagnols", cela résume assez bien tout ce que j'ai écrit par le passé:

J'en profite aussi pour souhaiter un très joyeux Noël aux lecteurs de ce blog.  En espérant que vous aurez des chouettes repas et des bons vins pendant vos fêtes.

Tuesday 20 December 2011

Soufre-douleur

C'est marrant de voir comment notre perception du soufre (ou plutôt des sulfites) a évolué ces dernières années. Quand j'ai commencé à bosser dans le vin, c'est à dire il y a peu ou prou 10 ans, on était en pleine vogue du "zéro soufre".  Des vignerons (en particulier en Beaujolais) ce sont faits les apôtres d'une viticulture libérée du carcan de l'utilisation du soufre et ont allègrement embouteillé des millésimes entiers ou des cuvées sans ajout de soufre.  Il y avait d'ailleurs de nombreux relais à Paris ou ailleurs de cette pratique, cavistes, sommeliers et autres journalistes  Avec mon boss à l'époque, on les appelait les "SS" (pour sans-soufre, mais avec la connotation fascisante pour bien exprimer combien ces personnes étaient intransigeantes).  

Je me souviens aussi de nombreuses personnes me disant qu'elles étaient hyper-sensibles au soufre, voire allergiques, et que de boire des vins "soufrés" leur donnait des maux de crâne pas possibles, des palpitations voire pire.  Il y a effectivement des personnes allergiques au soufre, mais dans ce cas le soufre est urticant, mais pas source de tous ces autres maux supposés.  J'ai l'impression qu'ils avaient tendance à somatiser un peu.  En attendant, je n'ai jamais tenté l'expérience de leur servir des vins avec des niveaux de soufre raisonnables et de leur dire qu'ils étaient sans soufre, pour voir comment ils réagiraient.  Comme l'epxérience sur les réactions des gens à la cafféine: il y a beaucoup de gens qui affirment qu'ils ont besoin de cafféine pour être bien réveillées.  Pourtant, si on remplace leur café habituel par du décaf à leur insu, ils ont l'impression d'être aussi réveillés.  Le tout c'est d'y croire!

Le problème du sans-soufre, c'est que cela rend le vin ultra-vulnérable: un changement de température trop brutal et c'est la panique: les bouteilles tournent rapidement, repartent en fermentation, voire pire.  Donc, le vin sans soufre, c'est très bien chez le vigneron, mais dès que ça sort de sa cave, plus rien n'est sûr.  Je me souviens de Kermit Lynch, le grand importateur Californien, me racontant qu'au début des expériences de Marcel Lapierre et compères sur les vins zéro soufre, il se retrouvait avec entre un quart et un tiers des bouteilles foutues à l'arrivée.  Il a donc été le premier à insister pour que ses vignerons mettent au moins un tout petit peu de soufre dans leurs vins pour les stabiliser.  

Car c'est là tout l'intérêt du soufre: de stabiliser le vin, d'empêcher des développements de levures ou bactéries néfastes.  Si il n'y a pas de date de péremption sur une bouteille de vin, elle peut facilement tourner si elle n'est pas protégée au minimum.  Le tout est donc d'utiliser le soufre avec parcimonie.  On voit très rarement aujourd'hui des vins qui sont super-soufrés (je parle des vins de qualité) et je ne connais pas de nez assez sensible pour détecter des niveaux faibles de soufre dans un vin.  Ce n'est pas une question de goût donc.  Plutôt une quesiton de principe, une sorte de principe de précaution, qui voudrait que le soufre soit mauvais pour l'organisme et qu'il faille l'éviter, en tout cas à fortes doses.  Soit, mais en attendant, aucun label, qu'il soit bio, biodynamique ou autre, n'interdit l'utilisation du soufre et aucun vigneron raisonnable ne refusera catégoriquement d'utiliser le soufre.  Autant dire que le soufre est une nécessité. 

Cela étant, bien entendu, le tout est d'en utiliser au bon moment et le moins possible.  Pour cela, je suis assez content qu'on soit revenus de l'époque des SS et autres moudjahidines du zéro soufre.

Monday 19 December 2011

Christine Vernay et Thierry Germain @ Alfa International, 15 décembre 2011

Visite apparemment annuelle de deux compères, l'une du Nord Rhône, l'autre d'Anjou.  Les deux domaines sont ultra-connus en France et commencent à se faire une petite place ici.  Je connais bien les deux pour avoir goûté de nombreuses fois leurs vins, même si j'avoue que cela faisait quelques années que je n'avais pas goûté de façon systématique l'ensemble (ou presque) de leur production.  En particulier, pour le Domaine Vernay, la dernière fois que j'en avais goûté, Christine venait tout juste de reprendre le domaine de son père, Georges.  

Pour Vernay, on a goûté le Condrieu Terrasses de l'Empire 2008, pas de Coteau du Vernon, ni de Chaillées de l'Enfer :-( , et la syrah en VDP de Collines Rhodaniennes.  Donc pas de Côte-Rôtie non plus, re- :-(.  

Pour Thierry Germain, on a goûté l'Insolite en blanc, la Marginale et les Terres Chaudes en rouge.  

Pour ce qui est de Vernay, je n'ai pas vu d'évolution stylistique notable depuis la dernière fois que j'ai goûté: le Condrieu était floral, beurré mais sans excès, la Syrah, très "varietally-correct", ça sentait la syrah bien poivrée et puis c'est tout.   Pour Thierry Germain, j'ai remarqué une amélioration sensible depuis ma dernière dégustation: les vins ont gagné en fraîcheur, en minéralité et en complexité, sans toutefois atteindre les niveaux de gourmandise et de suavité de mes Saumur(-Champigny) préférés.  Thierry Germain attribue cela a des progrès significatifs en termes de viticulture.  C'est assez intéressant de voir un Bordelais de souche, bien dans sa chemise bleu ciel, son jean Diesel et ses mocassins Tod's vous parler de biodynamie avec l'oeil qui pétille.  En tout cas, le travail se ressent dans la bouteille, bravo!

A noter, deux trois choses à propos de cette dégustation.  Primo, comme je le disais, ce n'est pas la première fois que Christine et Thierry voyagent et viennent à Singapour.  Et pourtant, devant un auditoire anglophone, la présentation de Christine Vernay a commencé avec "Hélo, I âme euh vigneron from zeuh Nord-Rhône.  I make zeuh Condrieu, zeuh St Joseph ande zeuh Côte Rôtie...."  Devant ses difficultés à s'exprimer en Anglais, je me suis senti obligé de lui proposer mes services de traduction (facture à suivre), et je me suis retrouvé à faire la traduction pour toute la dégustation.  Thierry Germain a aussi fait appel à mes services, même si son niveau de langue est acceptable.  L'avantage est que j'ai pu retransmettre les infos de façon synthétique à mes interlocuteurs, en ajoutant deux-trois petites choses à ma sauce.Cela étant, si j'étais un examinateur de l'oral d'Anglais au Bac, je donnerai un 2/20 à Christine Vernay et un 10/20 à Thierry Germain, pour l'effort.  Vous m'avez déjà vu fustiger le manque de qualités commerciales des vignerons français dans ce blog, en voici encore un exemple navrant. Ce n'est quand même pas dur d'apprendre à dire cépage, vendange, coteau, argilo-calcaire, levure et foudre en Anglais, si???

Autre petite chose attrapée au vol, Christine Vernay m'a soutenu qu'il lui était impossible de pratiquer une viticulture bio, parce que ses vignobles sont sur des coteaux trop escarpés.  C'est la première fois qu'on me la sort, celle-là!  Je pensais au contraire que la pente permettait un meilleur drainage des sols et une meilleure circulation de l'air, évitant donc "naturellement" de nombreuses maladie de la vigne.  Et surtout, je ne vois pas en quoi une viticulture "conventionnelle" serait plus facile à pratiquer sur ces mêmes coteaux, à moins de traiter à l'aide d'un canadair...  Bref, je ne fais pas vraiment le lien entre coteau escarpé = impossibilité de conduire un vignoble en bio ou en biodynamie, question à étudier donc.

Et pour finir, encore une de mes magnifiques photos in situ:


Thursday 15 December 2011

Revue littéraire

Oui, je sais, ça fait un bail que je n'ai rien posté sur ce blog, désolé pour ceux qui attendaient impatiemment la suite de l'aventure.  Gros mois de boulot, je respire un peu maintenant.  Bref, entre temps, j'ai quand même eu le temps de lire quelques BDs.  Entre autres, "Les Ignorants"* d'Etienne Davodeau.  Selon ma femme, on avait déjà lus une ou deux BDs du même auteur, mais je n'en ai absolument aucun souvenir, donc, tant pis pour la mise en abîme de l'oeuvre...

Bon, passons sur le fait que le bouquin démarre assez péniblement, ça ressemble plus à une sorte de démonstration forcée et à un ramassis de caricatures.  Mais au passage, Davodeau arrive quand même à avoir quelques réflexions intéressantes sur le vin et la viticulture et fait un tour d'horizon sympa de la BD française contemporaine.  On dira qu'il s'agit d'une bonne oeuvre de vulgarisation.  Le genre de choses qu'on entend dire Richard Leroy, le vigneron qui sert de guide à Davodeau dans la BD, enfoncent parfois un peu des portes ouvertes, du moins pour ceux qui s'intéressent un peu au vin contemporain, mais au moins ça a le mérite d'être mis sur papier (glacé) et en images.  Tant mieux. 

J'ai toujours cru que la bande déssinnée était un moyen formidable moyen de communication, que ce soit pour raconter, expliquer ou décortiquer, donc je suis content que Davodeau se serve de ce medium pour parler du vin.  En tout cas, je trouve ça nettement plus intéressant que "En cuisine avec Alain Passard"** de Christophe Blain, qui fait les yeux ronds et caresse le chef dans le sens du poil.  Point de polémique ici, point d'information d'insider, juste un auteur sous le charme du Chef et qui nous donne un compte-rendu de groupie..

Donc, si vous ne savez pas quoi acheter à votre père, frère, copain ou mari pour Noël, n'hésitez pas à glisser un petit tome des Ignorants dans sous l'arbre.

* Editions Futuropolis
** Editions Gallimard Jeunesse

Saturday 5 November 2011

Petit plaisir

Comme quoi, les meilleurs moment du vin arrivent parfois de façon tout a fait inattendue... Cet après-midi, ce n'était pas dégustation; cette bouteille on l'a bue, entre amis, juste pour le plaisir de passer un bon moment ensemble. Des fois, il ne sert a rien de se prendre la tête.

Merci Hsueh Tan pour un petit gout from home.

Friday 4 November 2011

La révolution est en marche!

Petite rencontre avec un producteur de Cru Bourgeois de Listrac hier.  D'habitude je fuis ce genre de chose comme la peste, mais en l'occurrence j'ai trouvé la discussion très intéressante cette fois.  Ce qui est ressorti pour moi est la prise de conscience par ce vigneron qu'il ne peut plus dépendre de son classement en Cru Bourgeois pour se faire connaître.  Cela n'a plus aucune image nulle part.  Il en va de même pour certains Crus Classés de 4ème ou 5ème rangs.  Il dit qu'il faut maintenant chercher à se différencier et à faire mieux.  Il m'a cité l'exemple de Pontet-Canet, qui est passé en biodynamie.  C'est très rafraichissant d'entendre ces propos de la part d'un Bordelais.  Je n'ai rien contre les Bordelais, que les choses soient claires, mais la plupart du temps, et plus que dans d'autres régions, on baigne dans une apoplexie généralisée mâtinée de faux traditionalisme. Donc un peu de dynamisme fait très plaisir.  Continuez comme ça!  

Qui sait, dans 10 ans, le Bordelais sera peut-être la région viticole la plus innovante et intéressante de France...

Wednesday 2 November 2011

Pour une refonte du système d'appellation français

Bien que devenu un modèle dans le monde entier, la législation des AOC étant très novatrice pour l’époque, le système d’appellation français souffre aujourd’hui de nombreux défauts.  Il faut noter tout de même que les vins d’appellation, supposés de la meilleure qualité possible, représentent aujourd’hui plus de 50% de la production viticole française.  Quand bien même j’adore les vins français et je pense que ce sont les meilleurs au monde (par leur variété), je ne pense pas que la majorité de ce qui se produit en France mérite le label de qualité suprême.  Ensuite, les fameux cahiers des charges, qui ont évolué dans le temps, sont loin de représenter les codes drastiques d’une production de qualité.  Le point le plus discuté est certainement le rendement à l’hectare.  Dans de nombreuses appellations, les rendements maximaux sont beaucoup trop élevés, si bien que les vins peuvent en toute légalité être dilués (dans le sens d’un manque de concentration des arômes) et surtout cela a créé des situations de surproduction récurrentes, en particulier en Languedoc-Roussillon, région qui survit aujourd’hui majoritairement grâce à des soutiens financiers européens et régionaux.

Ensuite, et surtout, le système d’appellation diffère d’une région à une autre.  Dans certaines régions il existe des appellations « Villages », dans d’autres non.  Dans certaines régions, il existe des appellations premier et grand cru, dans d’autres non.  Dans certaines régions, il existe des classements qui ont valeur d’appellation.  Dans certaines régions, il existe des appellations par cépage, dans d’autres un seul cépage est autorisé par couleur.  Bref, au final le consommateur français est perdu, imaginez un peu l’amateur chinois !  Même pour un professionnel du secteur ce système est peu clair.  J’admettrais volontiers que la complexité du système d’appellation est une source intarissable de débat d’experts et de concours de connaissances.  Cela étant, un système qui n’est plus une garantie de qualité, loin s’en faut, et qui est incompréhensible même pour les professionnels peut-il encore perdurer ?  Et surtout, cela est-il souhaitable ?

Nous l’avons vu, la majorité du vin français produit aujourd’hui a droit à une AOC.  Pourtant, certains producteurs de très grande qualité doivent étiqueter leurs vins en VDP.  Cela est non seulement injuste mais les VDP ont des noms qui ne disent absolument rien à la plupart des français et encore moins aux étrangers.  Pour clarifier, il existe plusieurs niveaux de VDP : des VDP régionaux, des VDP de départements et des VDP « de zone ».  Mais la limite entre ces dénominations est floue au mieux.  On a donc droit à des noms aussi obscures que fantaisistes comme « Vin de Pays du Jardin de la France » qui est certes très joli mais au fait, c’est où le « Jardin de la France » ?  Ou encore « Vin de Pays des Marches de Bretagne » ou « Vin de Pays des Sables du Golfe du Lion ».  C’est encore très joli mais flou…  La création des nombreux VDP a été progressive et souvent faite pour remédier à un cas particulier.  Donc on est proche d’une appellation ou en pleine appellation et on ne peut pas pour une raison quelconque avoir droit à l’AOC, donc on va créer un VDP avec un nom assez vague pour expliquer qu’on se situe plus ou moins dans cette zone.  Bref, vous voyez où je veux en venir, tout cela n’est pas très encourageant.

Ensuite, dans les AOC, il existe plusieurs niveaux, 18 au total, allant de « Cru Artisan » (il n’existe à mon grand désespoir pas de « Cru Industriel ») à Grand Cru ou Grand Cru Classé.  Le Bordelais a poussé les classements à leur paroxysme avec pas moins de 6 classements différents, entre le classement de 1855 du Médoc  et des Graves, le Classement des Crus Bourgeois (3 niveaux), le Classement de Sauternes, le Classement de St Emilion (avec 4 niveaux), révisable tous les 10 ans en théorie.  Bref, on en vient à penser que ce qui est écrit sur l’étiquette ne veut plus rien dire.  On va d’ailleurs s’attarder sur le cas particulier du Classement de 1855 des Crus du Médoc pour étayer ce point.  En 1855, l’Empereur Napoléon III demande aux courtiers de la place de Bordeaux d’établir un classement des vins du Médoc (et de Sauternes : le principe est le même, mais ne compliquons pas trop les choses) en vue de l’Exposition Universelle de Paris.  Cela doit permettre aux vins Médocains d’être facilement jaugés par les marchés d’export.  Résultat, une soixantaine de crus, « Châteaux » ou plutôt domaines, sont classés en 5 catégories, du 1er Grand Cru au 5ème Grand Cru.  Les courtiers de la place de Bordeaux ont un seul critère pour établir ce classement, le plus objectif qui soit : le prix des vins sur la place.  Avance-rapide cent-cinquante ans et ce classement est officialisé comme appellation et mention légale sur l’étiquette.  Il est assez intéressant que les 2, 3, 4 ou 5ème Grands Crus classés ne font mention que de « Grand Cru Classé » sur leurs étiquettes, pas de leur « rang ».  Entre temps aussi, presque tous les châteaux ont changé de main, certains ont été divisés (c’est le cas par exemple des Châteaux Léoville, divisé en trois, Pichon-Longueville, divisé en deux, ou encore Rauzan, divisé en deux) suite à des héritages ou des ventes.  Mais tous les domaines nés de divisions ont le droit de garder le classement de l’entité ancienne.  Ah bon, comment ça ?  Ne serait-ce pas l’occasion de faire un point sur les nouvelles propriétés ?  Par ailleurs et surtout, le classement prend en compte les noms de Domaine uniquement, pas le domaine (ou son cadastre) lui-même, donc un Château qui acquiert des vignes dans une aire avoisinante de moindre qualité, peut parfaitement intégrer les vins produits à partir de ces parcelles dans leur Grand Cru Classé.  Ah bon ?  Ici, l’homme (ou la personne morale) prime sur le terroir.

La Côte d’Or de Bourgogne et le Chablisien bénéficient aussi d’une classification.  Cette classification est antérieure à la création des AOC, du fait d’un travail de très longue haleine de moines clunisiens et cisterciens pour identifier les meilleurs « climats ».  Ainsi on sait depuis très longtemps que le Musigny est le meilleur vignoble de la commune de Chambolle et ses vins se vendent beaucoup plus chers que d’autres vins de la commune.  D’ailleurs, si on parle de Gevrey-Chambertin, c’est grâce à l’amour de Napoléon pour le Chambertin, qui vouait un vrai culte à ces vins.  Il semblerait qu’un de ses médecins personnels lui en ait conseillé la consommation pour guérir toutes sortes de maux, et que Napoléon y ait pris goût.  Cependant, les propriétaires de vignobles de la commune de Gevrey ont fait valoir qu’il leur était difficile de faire connaître leurs vins, car ils vivaient à l’ombre du renommé Chambertin.  Napoléon a donc autorisé les vignerons à accoler le nom du Chambertin à celui de leur commune.  Et ainsi, le Gevrey-Chambertin est né, mais aussi le Chambolle-Musigny, le Morey-Saint-Denis, le Vosne-Romanée, l’Aloxe-Corton ou encore le Puligny-Montrachet.  Ainsi, les consommateurs du monde entier pouvaient reconnaître les vins de ces communes, car ils connaissaient évidemment ces climats, appelés à devenir plus tard des Grands Crus. 
Malheureusement pour la Bourgogne, là ou il existait un oligopole puissant de  noblesse et de clergé bienveillants, la Révolution a fragmenté les propriétés et un découpage des vignobles a été opéré.  Aujourd’hui, un climat de 4 hectares en Premier ou Grand Cru, peut avoir 20 exploitants différents.  Mais tant que le raisin provient dudit climat (et que le cahier des charges laxiste est respecté) tout producteur qui y produit du raisin et en fait du vin a droit à l’appellation.  Le terroir prime ici sur l’homme.  C’est cela qui fait la complexité des vins de Bourgogne.  Il existe des centaines de climats et les connaître tous, ainsi que leurs caractéristiques est un travail digne d’une préparation de concours de grande école, mais surtout, il faut savoir lequel (ou lesquels) des producteurs font du bon travail sur un climat donné.  Par exemple entre un Montrachet de Leflaive et un Montrachet moins bon (je ne citerais pas de nom), le prix va du simple au triple voire plus.  En attendant, l’autre producteur de Montrachet peut avoir des pratiques viticoles hasardeuses (utilisation d’herbicides et pesticides chimiques) au mépris du vignoble et de ses voisins, il aura quand même droit à l’appellation Montrachet.  Ah oui, et j’oubliais, qui sait sur quelle commune se trouve le Grand Cru Bonnes-Mares ?  Vous avez dû y réfléchir un peu ? Cela prête encore une fois à confusion ? Il est impossible de le savoir en regardant l’étiquette et l’adresse du producteur, car celui-ci est tenu d’indiquer l’adresse du Domaine, pas la commune où se situe le vignoble.  Donc un producteur de Bonnes-Mares peut être basé à Gevrey, vous n’en saurez pas moins où exactement est produit le raisin qui sert à faire du Bonnes-Mares.  Je suis à peu près certain que la moitié des sommeliers de restaurants triplement étoilés au guide Michelin ne savent pas de toute façon.  Si vous leur demandez, ils vous répondront par une circonvolution du type «  C’est un vignoble de X hectares sur terroir argilo-calcaire, avec une pente à X degrés, orientation sud-sud-est.  Les vins ont la typicité suivante : … » C’est certainement ce qui fait le charme des vins de France et de Bourgogne en particulier.  Savoir et comprendre est le privilège de quelques uns, les autres ne méritent de toute façon pas de comprendre, car ils n’ont pas fait les 10 années d’études supérieures nécessaires pour savoir.

Romain Guiberteau est un jeune producteur de Saumur.  Il a repris le domaine de son grand-père, avec des vignobles situés surtout sur la commune de Brézé, réputée pour ses sols de tuffeau ancien et son micro-climat propices au Chenin blanc.  Romain produit aujourd’hui des rouges sur plusieurs vignobles en appellation Saumur rouge ainsi que des blancs à Brézé, et grâce aux recommandations et au soutien de Nady Foucault du Clos Rougeard, on peut dire que Romain produit aujourd’hui  des vins de très bonne facture.  Ses blancs n’ont de cesse de m’éblouir et les rouges progressent d’année en année.  La première fois que j’ai visité son domaine, il m’a emmené dans ses vignes du Clos des Carmes, un vignoble qu’il avait racheté et replanté quelques années auparavant.  Il a pour la première fois produit un blanc Clos des Carmes en 2007.  Alors qu’on se promenait dans ce vignoble exceptionnel, il m’a raconté comment Curnonsky, dans son atlas des vins de France avait classé le Clos des Carmes en « Grand Cru ».  Et de se lamenter que l’INAO ne reconnaisse pas les vignobles exceptionnels d’Anjou et de Touraine.  Il mériterait bien une distinction officielle, mais il n’a aucun recours pour en faire la demande.  L’INAO ne reconnaît aucun Premier ou Grand Cru en Loire et en obtenir prendrait tant de temps, de ressources et d’efforts concertés que Romain n’a aucun espoir que cela n’arrive un jour.  Il ne peut que se contenter de raconter l’histoire de Curnonsky lorsqu’on lui rend visite et de faire apprécier ses vins au mieux de ses possibilités.  Romain est typiquement un des vignerons qui mériteraient une distinction parmi la médiocrité ambiante en Saumur.  Il est incroyablement travailleur, mène son domaine avec talent et humanité et les vins résultants sont tous très bons.  Et aussi, le ratio prix/plaisir est un des meilleurs que je connaisse. Mais en attendant, qui dans le monde sait que le Saumur peut être autre chose que ce que l’on trouve en supermarché ?  Il en va de même en Beaujolais, qui sait que le Beaujolais peut être autre chose que le Nouveau  bourré de levures industrielles qui pue la banane, un Morgon de Lapierre par exemple ? Comment faire la différence si on ne sait pas ?

Après des années d’étude du vin en France et d’échange avec des professionnels, producteurs, importateurs et distributeurs, sommeliers etc. j’ai établi mon système idéal d’appellation.  Voici mes recommandations :
  •            Les vins de table : sont tous les vins qui ne rentrent pas dans les critères de l’appellation que nous allons développer ci-dessous.  Les vins de table doivent pouvoir mentionner où ils sont produits.  On parlera donc de Vin de Table du Val de Loire (appellation régionale), sauf si ils s’agit d’un assemblage de plusieurs régions dans quel cas cela sera explicitement mentionné.  Il faut par ailleurs en finir avec cette règle absurde que les vins de table ne doivent pas mentionner de millésime.  Parlez-en à Didier Barral si vous voulez en avoir le cœur net.  La mention du millésime devient obligatoire sauf si il s’agit d’un multi-millésime, dans quel cas il faudra aussi en faire mention.


  •       Les VDP doivent disparaître et être intégrés dans des ADC (appellations départementales contrôlées).  Les ADC sont des appellations de vignobles d’un département qui ne rentrent pas dans le régime strict des AOQC (dont nous parlerons plus bas).  Elles intègreront non seulement les anciens VDP mais aussi les anciennes appellations régionales (Touraine, Bourgogne, Alsace, Côtes-du-Rhône ou Côtes de Roussillon par exemple). Les règles sont évidemment plus souples que pour les AOQC, surtout en termes d’aires d’appellation.

  •            Les AOC vont être refondues en Appellations d’Origine et de Qualité Contrôlées.  Cela concerne les 25% de vins de qualité supérieure.  Si l’idée est de baser le classement sur la qualité du produit final, il est légitime de se demander comment établir la qualité d’un vin ?  D’une part grâce à des cahiers des charges beaucoup plus exigeants (pas d’intrants chimiques, pas de levures « exogènes », des rendements grandement diminués…) et d’autre part grâce a des comités d’expert qui jugent la régularité d’un domaine et dégustent à l’aveugle tous les millésimes.  Comme indiqué précédemment, les comités d’experts ne peuvent pas avoir de conflit d’intérêt avec les appellations concernées (je pense que chaque région doit être dotée d’un comité), c’est-à-dire qu’il ne doit pas être producteur de vin dans la région.  Je sais que cela peut paraître triste de ne pas soumettre les vignerons à des « peer reviews », mais souvent les vignerons d’une appellation n’ont pas le recul nécessaire (sans parler des questions de jalousie) pour décider de qui doit avoir droit à l’appellation ou non.  Et les dégustations doivent être strictement à l’aveugle (contrairement à ce qui se fait aujourd’hui) et surtout les vignerons doivent pouvoir soumettre leurs échantillons quand ils estiment que le vin est « fini » et prêt à être embouteillé.  Les comités d’agrémentation doivent être composés à parts égales de fonctionnaires spécialement formés par l’INAO (on trouvera certainement un autre nom à un « Institut » moribond) et de professionnels (sommeliers, courtiers, distributeurs) spécialement agréés.  Bref, encore une fois, l’idée est de baser le principe d’appellation sur la qualité réelle des produits.  Vous me direz que la qualité d’un vin est subjective.  Je répondrais volontiers que non.  Ceux qui pensent que le goût est subjectif ont du mépris pour les dégustateurs.  On peut être formé à reconnaître le « bon » et surtout par effet miroir, les défauts d’un vin.  Un vin de qualité est tout simplement un vin équilibré et dépourvu de défauts. Et savoir reconnaître cela s’apprend, tout comme on apprend à fabriquer un meuble ou calculer la racine carrée d’un nombre.

  •            En termes d’encépagement, un vigneron peut accéder à l’AOQC avec n’importe quel cépage, tant est que ses vignobles sont dans l’aire d’appellation  et qu’il a fait la preuve, au bout de 5 années pour des cépages qui ne sont pas déjà autorisés, de la qualité continue de son vin et de l’intérêt de ce cépage (soit tout seul, soit en assemblage).

  •            En termes de classement, il faut établir un système unique de Premiers et Grands Crus dans toutes les régions.  Ce classement doit prendre en compte à la fois le producteur ET le vignoble et les règles de l’appellation.  Il s’agit en somme d’un mélange du système Bordelais et Bourguignon.   Je pense que pour ces 5% de vins de qualité très supérieure, il est raisonnable que les vins soient systématiquement produits dans une forme généraliste de viticulture respectueuse.  Pourquoi ne pourrait-on pas produire de grands vins dans en viticulture chimique me direz-vous ?  La réponse était dans mon post d’hier et est très simple : les racines d’une vigne sont incapables d’assimiler les nombreux minéraux d’un sol et de les transmettre aux raisins sans l’aide de micro-organismes.  Ces micro-organismes décomposent les minéraux pour que la vigne puisse les intégrer.  En somme, un vin ne peut pas avoir de « minéralité » si le sol dans lequel pousse ses vignes n’est pas vivant.  C’est aussi simple que cela : il n’est pas et il ne pourra jamais être de grand vin si le sol et le biotope sont asphyxiés par des produits chimiques.  Donc un Premier ou un Grand Cru ne peut pas mériter cette appellation, si les vins ne sont pas produits de façon respectueuse du sol et de l’environnement.  Après, bien entendu, il existe de nombreuses viticultures respectueuses aujourd’hui : Bio, Issue de Raisins bios, Biodynamique, Lutté Raisonnée, « Naturels » ; et les labels sont nombreux.  Le but ici est de créer un label unique qui soit utilisable et obligatoire pour tous les producteurs de Premier ou Grand Cru.  Après, libres au vignerons d’avoir des pratiques plus strictes encore, mais au moins cela deviendra un minimum assez exigeant pour tout vin qui prétend aux classements supérieurs.


           Un remaniement du système d’appellation français est nécessaire, nous l’avons vu.  Ces recommandations ne sont sont bien entendu perfectibles et n’ont pas vocation à être exhaustives.  J’en appelle donc  à vous, chers lecteurs, pour partager avec nous vos remarques et commentaires.

C'est quoi les vins "naturels"?


La dégustation d'hier (Cf. Lis Neris @ Alfa) m'a fait réfléchir au sujet des vins "naturels" voire "natures".  En effet, on entend de plus en plus de sommeliers, cavistes, journalistes et même simples consommateurs dire qu'ils préfèrent ou ne boivent que des vins "naturels".  Par opposition aux vins artificiels, j'imagine.  Mais arrêtons-nous deux petites minutes sur ce terme et ce qu'il implique.

Ces dernières années, il y a donc eu une espèce de prise de conscience collective, très dans l'air du temps, que les vins naturels sont meilleurs pour la nature, meilleurs pour vous et pourquoi pas meilleurs tout court.  Il y a bon nombre de jeunes amoureux de la nature qui se sont lancés dans la viticulture, rachetant ou plantant quelques hectares en Auvergne, Midi-Pyrennées ou Loire ou ailleurs, avec l'intention de faire un vin tout ce qu'il y a de plus naturel.  Ils sont faciles à repérer, ils ont souvent la barbe, sont un peu farfelus et les étiquettes de leurs bouteilles sont souvent très colorées et abstraites, avec des noms de cuvées en jeu de mots un peu (beaucoup) rébarbatifs.  Que n'a-t-on pas vu de Bulles-en-fête, Vin-o-naturel, The Naked wine ou autres?!  En discutant un peu avec ces jeunes vignerons, on se rend compte qu'ils ont des opinions assez prononcées sur ce que doit être la viticulture et comment il faut conduire son vignoble et faire son vin pour être vraiment "naturel".  Le pendant et porte-parole de cette nouvelle génération de vignerons, ce sont ces nouveaux cavistes ou bars à vins, le genre urbains branchés, jean slim, barbe et chemise à carreaux, qui vous font goûter l'oeil pétillant de joie ce vin d'un vigneron "nature", un mec vachement sympa, qui s'est lancé il y a à peine deux ans et qui fait déjà du vin naturel. Ah, oui, mais le vin est complètement bretté et il est reparti en fermentation dans la bouteille.  C'est pas grave, vous dis le caviste, qui ne sait même pas ce que ça veut dire, ce qui compte c'est la philosophie derrière, hein?  Ils essaient d'être le plus nature possible, alors on salue l'effort s'il vous plait!  Et puis, ce goût foxé crado, c'est parce que c'est nature, c'est comme ça la nature, ça sent pas forcément bon...  Bref, quand bien même j'ai de la sympathie pour ces néo-baba-cools, si le vin est dégueu et plein de défauts, je ne vois pas trop l'intérêt.  Les gens qui défendent ce type de vins sont au fond comme les trotskistes: ça ne marche pas du tout, mais l'idée est bonne, va pour l'idée!

Loin de moi l'envie de dire que ces vins ne peuvent pas être bons, mais si le résultat n'y est pas, mais alors pas du tout, pourquoi est-ce qu'on s'extasierait sur ces vins?  Etre naturel c'est très beau dans l'intention.  L'arsenic aussi c'est naturel, ce n'est pas pour autant que j'ai envie d'en boire...  Tout ça pour dire qu'en ayant de très belle intentions, ces vignerons en oublient souvent les bases.  Ils vont planter des vignes et les conduire en biodynamie dès le greffon sans aucune expérience préalable, alors que cela est plus que risqué.  Et surtout, pouvoir conduire son vignoble sans utiliser de produits chimiques, cela demande non seulement beaucoup d'expérience, d'abnégation, de savoir-faire, de timing, d'observation mais aussi une attention et un travail sans relâche.  Parce que quand on n'utilise pas de produits chimiques, on laisse le vignoble à la portée de toutes les bactéries, de tous les virus, insectes et autres champignons possibles et la vigne ne peut pas se défendre.  Et ici, il y a souvent une confusion énorme: être "nature" reviendrait à ne rien faire, ou plutôt à laisser faire la nature.  C'est marrant, parce que si le trotskiste est dirigiste quand il s'agit de société humaine, il est libéral, voire ultra-libéral pour ce qui concerne la nature... Laissez-faire, c'est ce qu'il y a de mieux!

Cependant, le but d'une viticulture "naturelle" (allez, j'en ai marre de ce terme, on utilisera désormais "viticulture respectueuse de la vie", ce qui est un peu long, je vous l'accorde) n'est pas de laisser les vignes se démerder, mais de les aider à se défendre contre toutes les attques en créant un équilibre "naturel", dans lequel les bactéries ou champignons ou insectes maléfiques sont "naturellement" contrées par d'autres organismes.  Et ça, ça ne s'improvise pas.  Je connais des vignerons, biodynamistes de très longue date, qui vont traiter leurs vignes avec du purain d'ortie entre deux heures et quatres heures du matin une nuit donnée, parce que c'est le meilleur moment pour avoir un rendement maximum de l'intrant: en gros, si on traite bien, on peut traiter peu.  La nature fera le reste, naturellement.  Mais, en fait, il n'y a rien de naturel ici: si le vigneron intervient le moins possible, il intervient quand même, et ce de façon tout à fait décisive.  C'est la main de l'homme qui permet au vignoble de vivre en équilibre, ça ne se fait pas tout seul du tout. Ensuite, aller traiter ses vignes au beau milieu de la nuit, il faut le vouloir un peu, quand même!  Je ne dis pas que ces jeunes vignerons néo-babas sont fainéants, je dis simplement qu'ils sont mal ou pas du tout conseillés et qu'il est tout simplement impossible de savoir faire un vin naturel bon tout de suite et tout seul.

Après, bien sûr, personne n'est d'accord sur ce qu'est un vin naturel, en termes de ce qui est admis ou pas: zéro produit chimique dans les vignes semble être accepté par tous, mais qu'en est-il des levures?  Je renvoie à l'article d'hier sur Lis Neris.  On peut faire du vin "naturel" en utilisant des levures sélectionnées?  Pour moi la définition la plus simple d'un vin "naturel", c'est un vignoble dont le sol est vivant et qui est fait avec des levures endogènes.  Sans aucune exception possible.  Il est simple aussi d'expliquer pourquoi ces vins sont meilleurs et parlent plus clairement le langage de leur lieu de production: les racines d'une vigne sont incapables d'ingérer les minéraux contenus dans le sol.  Elles ont pour cela besoin de toutes sortes de micro-organismes, bactéries etc. qui "pré-digèrent" les minéraux, qu'elles pourront ensuite absorber.  Donc si le sol n'est pas vivant, la vigne ne peut pas donner de vin "minéral".  Ensuite, les levures qui nous entourent partout, quand elles vivent en symbiose avec le territoire (vignoble), sont les seules à même de donner au vin le goût de ce même territoire. (Il faut vraiment que je fasse un post sur les levures, on va y venir...) Voilà, ce n'est pas plus compliqué que ça.  C'est pour cela que tous les vins bons sont vivants et qu'il ne peut pas en être autrement.  Cependant, arriver à faire du bon vin en respectant ces principes, c'est quasi mission impossible.  Alors, quand un vigneron y arrive et y arrive régulièrement, pas juste une année où tous les éléments météorologiques sont de leur côté, et bien ça, pour moi, c'est miraculeux et beau.

Bon, donc, désolé pour tous les baba-cools, je ne veux pas vous décourager d'essayer de faire du bon vin, mais ce n'est pas parce que c'est "nature" que c'est bon, pour ça il faut beaucoup plus que des bonnes intentions.

Donc, on récapépète, faire du vin "naturel" c'est bien, mais c'est surtout très compliqué.  Je préfère parler de vin vivant, plutôt que de vin naturel, parce que naturel ça veut dire tout et n'importe quoi.

Tuesday 1 November 2011

Lis Neris @ Alfa International

Petite dégustation cet après-midi en présence de Federica Pecorari de Lis Neris, domaine basé dans le Frioul italien.  Il est vrai que cette région est connue pour ses blancs, surtout le cépage autochtone Tokay Friuliano (apparemment, ils n'ont plus le droit d'appeler ça tokay, ça créait de la confusion, donc vous me ferez le plaisir d'appeler ça Friuliano dorénavant, merci).  Lis Neris est un domaine assez ancien, à l'origine une ferme qui produisait un peu de tout, mais depuis les années 70, ils ne font que du vin.  

Federica était ici pour la première fois, avant de partir à Hong-Kong, où ils auront droit à une dégustation "Tre Bicchieri" (voir post Gambero Rosso @ St Regis).  Salauds de Hong-Kongais, j'en veux une de dégustation Tre Bicchieri moi!  Bref, elle en a profité pour présenter ses produits, en tout cas une partie de sa production, à la profession locale.  Comme je suis arrivé hyper en retard (ça devient une habitude) la masterclass était terminée.  Du coup, j'ai eu droit à une session de rattrapage avec Federica pour moi tout seul.

Comme j'adore ne pas faire de commentaires de dégustation, je n'en ferai pas ici.  On a goûté 6 blancs, 4 à base de Pinot Grigio (3 sans élevage en fût, léger bâtonnage, embouteillage rapide, et un élevé en fûts avec bâtonnage hebdomadaire pendant 10 mois) et 2 assemblages majoritaires de pinot grigio avec d'autres cépages internationaux (un avec du sauvignon blanc et du chardonnay, qui sentait bon le buis, si vous voyez ce que je veux dire, et un avec du riesling et du gewürztraminer, légèrement surmûri).  Précisons quand même que le Pinot Grigio est appelé en France Pinot Gris (vous l'aurez deviné) mais son profil aromatique est très différent de ce que l'on connait en France. Dans l'ensemble les blancs étaient propres, sans défauts particuliers, mais un truc me gênait quand même.  Bon passons sur un léger excès d'amertume sur deux des blancs.  J'ai aussi pu goûter un rouge, un Cabernet Sauvignon 2008: le nez faisait limite cabernet pas très mûr (côté très végétal, poivron vert etc.) et en bouche on était encore à la limite de l'astringence et du végétal pas mûr.  Il avait quand même le mérite de ne pas être matraqué de bois...

J'ai eu du mal à me l'expliquer, mais les vins semblaient un peu trop propres, sans aspérités.  Ca m'a rappelé une dégustation d'eaux en bouteille que j'ai fait il y a quelques années.  Mes camarades de dégustation et moi avions du mal à décrire les arômes des eaux, mais il paraissait clair que certaines eaux étaient "vivantes" (les eaux minérales naturelles) et d'autres "mortes" (les eaux de sources et l'eau du robinet).  Il s'est avéré que notre pressentiment à l'aveugle était tout à fait justifié, car les eaux minérales naturelles sont les seules à avoir des micro-organismes (vivants) dans leur composition.  Les eaux de source sont biologiquement parlant "mortes".  Bref, ce "goût de la vie" est difficile à définir, mais facile à repérer.  Et ces vins, même si ils avaient parfois des jolis nez et des bouches agréables, n'avaient pas le goût du vin vivant.  D'aucuns plus poètes que moi diraient qu'ils n'avaient pas d'âme.  Du coup, j'ai voulu en savoir plus.  J'ai questionné Federica.  Pratiques viticoles: ni bio, ni biodynamiques, mais raisonnables (lutte raisonnée, confusion sexuelle etc.).  Levures: sélectionnées. Ah, on y vient! Pourquoi pas de levures endogènes?  Selon Federica les résultats sont trop aléatoires, utiliser des levures sélectionnées, c'est plus "safe".  J'avais très envie de lui dire: si vous pratiquiez une viticulture plus naturelle et rigoureuse vous pourriez avoir des levures endogènes plus régulières.  Bon, en tout cas, ça semble expliquer en partie pourquoi les Italiens (je généralise, désolé) préfèrent utiliser des levures sélectionnées.  Cela ne m'étonnerait pas qu'il s'agisse d'une réflexe culturel propre aux vignerons italiens.  En tout cas, en France, on entend rarement les vignerons parler de levures sélectionnées, donc soit ils nous mentent, ce qui est possible, soit on utilise plus volontiers des levures endogènes en France.  A creuser...

Voici donc une super belle photo de deux des bouteilles pour couronner le tout:


Monday 31 October 2011

C'est quoi un consultant en vins?

Ca me fait toujours bien marrer quand je rencontre un "consultant en vin".  Tu fais quoi dans la vie alors?  Je suis consultant en vins.  Wouah! La classe!  Mais, au fait, ça sert à quoi un consultant en vin?  En gros, et pour faire simple, un consultant en vin ça s'occuppe des vins pour un restaurant ou un bar.  C'est l'externalisation, à divers degrés, de toute la carte des vins du resto en question.  Après, le consultant peut apporter plus ou moins de services: gestion et suivi du stock et de l'appro, formation du staff, écriture de la carte des vins et pricing etc.  Le besoin du consultant s'explique par le fait que dans la plupart des cas, le propriétaire du restaurant à une formation de cuisine (ou pas) et n'a pas le bagage nécessaire ou le temps de s'occupper de sa carte des vins.  On rencontre donc de plus en plus de "consultants" dans les événements pros et autres salons.  D'autant qu'être consultant peut avoir un très bon rapport travail fourni / rémunération. Mais il existe beaucoup de types de consultants, voici donc une petite typologie:

- le consultant qui assure: il est rare de rencontrer un vrai consultant en vin, qui a du métier, de l'expérience, et qui apporte une vraie plus-value.  Quand on en rencontre un (c'est excessivement rare), on est content.  Généralement ce type de consultant est très fort mais ne se la ramène pas du tout.

- le consultant / bête de concours: il a gagné le concours du meilleur jeune sommelier de Franche-Comté et depuis il sélectionne les vins des wagons-bars des trains Corail de la ligne Bourg-en-Bresse - Besançon.  A l'opposé, il a été sacré meilleur sommelier du Monde et il consulte pour Air France, Lufthansa, Sofitel, Hippopotamus, Métro et Potel & Chabot.  La valeur de son trophée est évidemment à la mesure (de l'excès) de ses frais de consulting.  

- le consultant qui connait du monde: distributeur de vin à ses heures perdues, il connait un petit producteur de Champagne, un vigneron à Cahors et un producteur de Brouilly, dont il distribue les vins à ses copains qui ont des bistros.  Une vraie chaîne de l'amitié.

- le consultant/caviste: caviste en province, notre consultant vend aussi à quelques restos et bistros, si bien qu'il en vient à faire le consultant pour les restos du coin.  Les résultats sont très variés, certains arrivant tout de même à faire du très bon boulot.

- le consultant/commercial: il distribue un "portefeuille" de vins, son travail de consultant consiste à passer chez ses clients faire un petit inventaire rapide pour pouvoir se passer des commandes à lui-même.

- le consultant / producteur: son père est vigneron à Chinon, du coup il s'est fait le porte-parole de tous les vins de l'appellation, en particulier ceux des vignerons avec qui il s'entend bien.  Est capable de vous faire croire que votre liste de vin n'a vraiment besoin que de Chinon (ben oui, ils font du rouge, du rosé ET du blanc) et à la place du Champagne, pourquoi ne pas prendre un Vouvray pétillant, c'est pas trop loin de Chinon.

Il est vrai qu'en France, on ne connaît pas trop les consultants, pour ça on a Richard, qui accapare les cartes des vins de plusieurs dizaines de milliers de restaurants et bistros.  Ben oui, mais Richard, ils fournissent la machine à café gratos, ce qui est loin d'être négligeable...  En attendant, plus je vois de consultants en vin, plus je me marre.




Wine Fiesta @ Customs House

Grand raout d'un importateur local ce weekend: sa dégustation annuelle, nommée "Wine Fiesta".  L'occasion de goûter la plupart des vins de leur portefeuille.  C'est une boîte que j'aime bien et avec laquelle je commence à travailler un peu, donc j'étais assez impatient de goûter tous leurs vins.

L'événement était organisé par pays avec des disparités assez prononcées. On pouvait avoir un Australien cultissime et très régulier dans sa qualité, à côté d'un producteur industriel sans intérêt.  J'ai pu regoûter les vins de Yarra Yerring, qui présentent un très bon rapport qualité-prix et font des shiraz (entre autres) qui ne cessent de me plaire, faits de profondeur et de souplesse, sans les raccourcis oenologiques d'usage (macération carbonique, levures sélectionnées, boisage extrême).  Il s'agit bien ici de vins "vrais" et très gourmands.

On a  goûté de belles choses de France aussi, en particulier les blancs de Mischief & Mayhem, un négociant anglais qui fait des vins de Côte d'Or essentiellement (plus quelques Chablis).  Je trouve intéressant de voir des négociants anglo-saxons ou néerlandais ou d'autres nationalités installés en Bourgogne et qui sont très connus à l'étranger mais pas du tout en France.  En France on part du principe qu'il n'y a que les Français qui peuvent comprendre le vin français et en particulier la Bourgogne.  On se méfie donc de l'anglo-saxon qui essaie de nous vendre "nos" vins.  Du coup, Lucien Lemoine, qui est maintenant un peu connu en France, est depuis loingtemps établi en-dehors de nos frontières. Idem pour Mischief & Mayhem.  Un jour, bientôt, les sommeliers français s'intéresseront à Mischief & Mayhem, je le prédis.

Ensuite, et comme il faisait assez chaud sous cette tente en extérieur, on recherchait des vins frais.  Malgré les grosses souffleries industrielles, la chaleur devenait rapidement accablante.  Du coup, les vins légers et frais ont eu notre préférence (je dis nous, car on était plusieurs à être d'accord).  Je nous ai donc orienté vers des Riesling allemands, de Max Ferdinand Richter.  Ce domaine de Moselle (ou Mosel en allemand dans le texte) produit des rieslings très représentatif de ce que j'aime bien dans ce type de vins.  Je me souviens d'un vigneron français qui me disait que les plus grands rieslings au monde étaient produits en Allemange, que ce soit dans le Rheingau ou le Mosel-Saar-Ruwer.  Je ne sais pas pour la grandeur, mais, quand ils sont bien faits, les rieslings allemands ont un indice de buvabilité imbattable.  En particulier les Kabinett ou lesTrocken (avec le moins de sucre résiduel): ce sont souvent des vins légers, gourmands, très doux et faciles à boire.  Je n'ai jamais bu de petit lait, mais je me l'imagine ayant un goût très proche du Wehlenner Sonnenuhr de Richter.  Le nom Wehlenner Sonnenuhr en dit d'ailleurs long sur ce vignoble de la vallée de la Moselle.  Wehlen est le nom de la commune où se trouve le vignoble.  Sonnenuhr signifie "Heure du soleil": c'est un vignoble orienté plein sud sur un coteau escarpé, ce qui est important dans un climat froid, pour ammener les raisins à maturité.  J'avais déjà goûté des très bons rieslings moselliens d'autres producteurs, comme J.J. Prüm ou Egon Müller, mais encore une fois j'ai été charmé par la légèreté presque evanescente de ces vins.  Bref, comme dit si bien un de mes amis, c'est le genre de vin qui se boit deux bouteilles par deux.

Voilà pour le petit compte-rendu de dégustation, la suite au prochain numéro.





  

Thursday 27 October 2011

Gambero Rosso @ St Regis Hotel

Première dégustation Gambero Rosso à Singapour, hier au St Regis.  Ce n'était pas la dégustation "Tre Bicchieri" comme je le croyais (voir article "Quand les Français apprendront-ils à travailler ensemble?") mais un "Italian Wine Roadshow".  C'est une dégustation de producteurs italiens qui aura désormais lieu à Mumbai, Singapour, Séoul, Moscou, Sao Paulo et Rio de Janeiro tous les ans.  On voit très bien où les Italiens concentrent désormais leurs efforts!

Même si j'ai une aversion totale pour ce genre de grand événement, je me suis pointé au bon moment, et il n'y avait pas trop de monde, tant mieux.  Je ne supporte pas de jouer des coudes pour pouvoir avoir un petit verre... Et puis souvent, si on n'est pas là dès le début (comme ce fût mon cas), il ne reste plus les vins les plus recherchés, comme par exemple le seul Barolo de Gaja, qui visiblement a été liquidé en une demie-heure.  Ce n'est pas grave, j'en ai déjà assez goûté par le passé, mais ce n'est pas forcément le cas de tout le monde.  Petite parenthèse, en Asie, encore plus qu'en Europe, les gens vont directement chercher les vins les plus chers à une dégustation: sans aucune vergogne, ils se pointent, demandent le vin le plus cher, un peu plus, encore un peu, merci et Cheers!

La dégustation en elle-même regroupait environ 50 domaines de presque toutes les régions d'Italie.  Contrairement au Tre Bicchieri Tasting, il n'y avait pas que du top, mais un panorama assez extensif de la viticulture italienne, même si il s'agissait quand même de très gros domaines pour la plupart.

Comme toujours, j'ai commencé par faire une tournée de vin blanc avant de passer au rouge.  Il y avait beaucoup de Vementino de diverses régions (en France on appelle ça le Rolle), quelques Greco di Tufo (le cépage est autochtone, mais le mot "tufo" est exactement le même que le tuffeau d'Anjou ou de Loire, même type de sols), quelques cépages internationaux (chardonnay, sauvignon de diverses régions) et des cépages autochtones, comme le Picolit du Piémont.  Les blancs italiens sont assez intéressants, car ils peuvent jouer  sur un registre qu'on ne connait que peu en France, très proche de l'excès d'amertume.  Souvent, les vins mettent allègrement les pieds dans le plat, mais des fois ils sont juste à la limite, jouant avec brio une partition d'équilibriste.  Ca, pour le coup, j'aime bien.  Ce que j'aime moins, c'est quand le vin est sans origine, fait par un consultant et avec des levures choisies plutôt qu'endogènes.  Je constate quand même qu'il y avait moins de blancs élevés en fût que par le passé et beaucoup sans FML (fermentation malo-lactique), ce qui permet de retenir un peu d'acidité et donc de fraîcheur.  Mais bon, dans l'ensemble, les blancs étaient sans surprise.  J'ai quand même fait une jolie découverte: le Vermentino di Gallura.  C'est apparemment la seule DOCG de Vermentino en Italie.  Une DOCG, c'est une "Appellazione di Origine Controllata e Garantita", soit une appellation de qualité supérieure.  Il y en a une cinquantaine en tout, comme le Brunello di Montalcino, le Barolo ou le Greco di Tufo.  Souvent le nom comporte le nom du cépage "Vermentino" et de la provenance "di Gallura".  Bref, je ne connaissais pas cette DOCG, située au Nord de la Sardaigne, et elle était représentée par la Cantina di Gallura. Des 4 vins que j'ai goûté du domaine, 3 m'ont vraiment bluffés: je n'avais jamais senti ni goûté de vermentino avec ces profils aromatiques, des nez tout dans la retenu, avec une minéralité très expressive en bouche.  Apparemment cette région a une grande amplitude thermique entre jour et nuit, ce qui permet de mûrir le vermentino à point.  En tout cas, au nez, on aurait dit des grands pinot gris d'Alsace, plutôt que des Vermentino, faussement floraux au nez et beurrés en bouche.  Bref, j'ai pris une photo (super-moche) de ma bouteille préférée, pour pouvoir m'en souvenir:



En termes de rouges ensuite, du très traditionnel, Chianti, Brunello, Barolo, ou du moins connu, comme le Sagrantino di Montefalco, une de mes appellations préférées, parce qu'il y a deux vignerons cultes là-bas, mais qui n'étaient pas présents à cet événement :-(  Les rouges, comme souvent avec les vins italiens jeunes (j'adore les généralisations!), étaient super-durs, astringents et dans l'ensemble pas agréables.  En même temps, je me démerde toujours dans ce genre de dégustation pour aimer le contraire de ce que les gens aiment: je suis allé à une dégustation de vins allemands une fois, où j'ai adoré les vins rouges...  Bon en attendant, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la main, des Chianti en manque d'inspiration, des Aglianico confits de chez confits, un Barolo beaucoup trop jeune (enfin, moi je dirais plutôt " avec des tannins pas mûrs", mais le représentant insite qu'il faut attendre au moins 70 ans pour boire un vrai Barolo, tant mieux pour ceux qui le peuvent), un sagrantino sans envergure.  Petite rédemption pour un Montepulciano d'Abruzzo (le nom = cépage + la provenance), que je connaissais déjà bien pour en avoir vendu aux Etats-Unis: Valle Reale.  La représentante de la marque me parle un peu du domaine, qui, je le savais, est niché dans un parc naturel et donc totalement protégé de la pollution.  Je me souvenais que le vin était bio (peut-être même biodynamique), mais elle m'a dit qu'en fait, il n'avaient toujours pas de label (ce n'est pas important en soit, mais bon, ils m'auraient menti à l'époque?  Ma mémoire me fait-elle défaut?).  Bref, en discutant avec elle, elle me dit qu'ils font de plus en plus de vins avec des "natural yeasts", entendez levures endogènes.  Ben j'espère bien!  Je ne comprends pas comment on peut prétendre faire un vin naturel si on n'utilise pas exclusivement des levures endogènes.  Le fait que les levures sélectionnées soient bio ne sert absolument à rien.  D'ailleurs, ça veut dire quoi des levures bios?  Dans ma cuisine, je cultive des levures bios, dans mon kéfir.  Ca ne veut pas dire qu'elles feraient un bon vin ou une bonne bière.... Je devrais faire un article entier sur ce sujet pour m'expliquer pleinement, mais en attendant, même si les vins étaient bien, gourmands et frais, j'ai été quand même un peu scié.  

Bref, tant pis pour les rouges d'Italie, je garderais volontiers uniquement les blancs, ceux qui aiment les rouges super-astringents ou qui sont certains de vivre 140 ans peuvent attendre que leur Barolo soit prêt.

PS: Petite précision pour être plus clair, quand je généralise en parlant des "vins rouges italiens", je parle bien sûr des vins italiens moyens.  Il existe bien entendu des myriades d'exceptions, de vins frais, élégants, se buvant bien jeunes.  Mais je constate tout de même que les rouges italiens astringents et imbuvables se cachent souvent derrière l'excuse bidon du "il n'est pas prêt à boire, il faut l'attendre encore quelques décennies pour qu'il soit à son apogée".  Je renvoie à un article antérieur (Volpaia @ Mozza), sur le fait qu'un vin vieux n'est bon que lorsqu'il est bon jeune et surtout qu'un vin astringent jeune ne sera jamais bon.  Pensez aux Médoc de 1988 par exemple: souvent, les vins étaient durs et astringents jeunes et les Médocains disaient qu'il fallait "les attendre".  Ceux qui ont attendu ont pu constater que les vins ne sont jamais devenus "bons" par enchantement, ils se sont juste desséchés, à tel point qu'il ne restait à la fin que du tannin sec et désagréable.  Bref, vous l'aurez compris, si ce n'est pas bon jeune, ça ne m'intéresse pas.


Wednesday 26 October 2011

Confusion de genres

Ca me fait toujours bien marrer quand on me prend pour un oenologue.  Souvent, quand je rencontre quelqu'un, on me demande ce que je fais dans la vie: "Je travaille dans le vin." "Ah, vous êtes oenologue!".  Ben non, en fait, même si j'ai quelques notions d'oenologie, métier oblige, je n'ai pas de DNO et je n'ai jamais fait de vin.  
Pour simplifier et pour être sûr que mon interlocuteur retienne la différence, je dis toujours:
"Le job d'un oenologue, c'est de remplir la bouteille.  Le job d'un sommelier, c'est de la vider"

Tuesday 25 October 2011

Accords imparfaits

Ca me fait toujours bien marrer de lire des recettes de cuisine où l'auteur se sent obligé de donner des recommandations d'accord avec du vin.  Sachez qu'avec le tagine d'agneau aux pruneaux, il est recommandé de boire un Châteauneuf-du-Pape rouge ou un Coteaux du Languedoc et avec un civet de lièvre, rien de tel qu'un Chambolle-Musigny ou un Chinon rouge.  Comme si n'importe quel vin de l'appellation ferait l'affaire. Oui, et puis, si vous utilisez pour votre recette un lièvre surgelé de chez Lidl ou un lièvre chassé par vos soins, c'est exactement la même chose... Le tout, c'est d'y croire!

Je veux bien qu'il y ait un "style" ou une typicité d'appellation.  En effet, on retrouve souvent des caractéristiques communes, par exemple, entre les Côte-Rôtie de plusieurs producteurs (sur un millésime donné).  Il est vrai qu'en France, on a tendance à penser que le terroir fait tout, c'est un discours tout à fait généralisé et accepté de tous.  Encore faut-il s'entendre sur le terme "terroir".  Noter quand même qu'un terroir, dans son acception globale, c'est la somme des facteurs naturels ET humains; trop souvent on fait un raccourci pour dire que le terroir, en fait, ce ne sont que les facteurs naturels et en particulier géologiques...   D'ailleurs, dans l'écrasante majorité des cas, en France, quand on parle de "terroir" on parle du sol: on entend souvent des trucs du genre "ce vin provient d'un terroir argilo-calcaire".  Cela est non seulement inutile (c'est bien, tu as bien appris ta leçon, coucouche panier maintenant), mais trompeur.  Je n'aime pas les vignerons qui se cachent trop derrière le "terroir" (comprendre uniquement les facteurs naturels, voire le sol), c'est soit de la fausse-modestie, soit une façon de se déresponsabiliser; Ben oui, si le sol fait tout, je ne vois pas pourquoi on se briserait l'échine à faire quoique ce soit.  Puisque tout est déterminé d'avance, il suffit de laisser "s'exprimer le terroir".  Cela est un trait tout ce qu'il y a de plus français et même si je ne nierais jamais l'importance des facteurs naturels dans le goût d'un vin, je pense que le travail du vigneron est plus déterminant.  Tout ça pour dire qu'entre un Saumur-Champigny de la Cave coopérative de Saint-Cyr-en-Bourg et un Clos Rougeard, il n'y pas seulement un monde, mais il y a beaucoup plus de différence entre ces deux vins qu'entre un Saumur-Champigny et un Bourgueil produits de façon similaire.

Je trouve dangereux de partir du principe que les facteurs naturels font tout, car cela n'aide pas les gens à apprécier le vin, mais les encourage plutôt à mémoriser ce qu'est sensé goûter une aire géographique.  Et c'est exactement ce que nous encouragent à faire ces recommandations débiles du genre "Servir avec un Chablis bien frais".  Ben oui, mais quoi comme Chablis?  Elevé en fûts de chêne?  Jeune, vieux, quel millésime???  Levures endogènes ou pas??? Je trouve ça complètement débile et inutile de me dire de boire un Chablis.  Si je veux boire un Chablis, j'en choisirai un d'un producteur que j'aime bien et non, cela n'est pas la même chose que le Chablis de cave copé qu'on trouve en supermarché.

Cela étant, beaucoup de gens ont beaucoup réfléchi aux accords mets et vins et malgré tout cela, on entend toujours des inepties de la plupart des gens, comme "Rien de tel qu'un bon Camembert avec un vin rouge!".  Je ne sais pas si vous avez déjà essayé, mais le camembert ne va absolument pas avec le vin rouge et encore moins les rouges tanniques: ça fait ressortir l'amertume.  Le sommelier lui est supposé nous trouver l'accord parfait quand on va au restaurant.  Bon, déjà, passons sur le fait que si tout le monde ne mange pas la même chose à une table, il est impossible que cela marche, à moins de chacun avoir un verre de vin différent.  D'ailleurs, le travail du sommelier n'est pas tant de trouver ce qui va "aller avec" ce que vous mangez, mais plutôt de trouver un vin qui ne va pas choquer ni dominer ni être dominé par ce que vous mangez.  Le sommelier est un garde-fou en quelques sortes.  D'ailleurs, on peut dire ce que l'on veut, mais dans 99% des cas, la cuisine et la sommellerie ne travaillent pas du tout ensemble: le Chef sort ce qu'il aime cuisiner et le sommelier sert les vins qu'il aime, mais la réflexion ne va pas du tout au-delà.  Je ne dis pas que c'est dommage, je dis simplement que c'est comme ça.  Cela ne nous empêche pas de boire une bonne bouteille de vin en mangeant un plat agréable et de passer un bon moment.

De toutes façons, la seule façon pour qu'un accord marche réellement (et ne soit pas le fruit du hasard), c'est de commencer avec la bouteille de vin.  Je veux dire par là que ce qui est dans la bouteille ne peux pas être altéré (en tout cas, je ne le recommande pas), par contre, un plat peut être adapté ou créé en fonction du vin.  Un certain Alain Senderens avait commencé à faire ça il y a quelques années et pour moi c'est la seule démarche honnête possible si on veut réellement s'intéresser aux accord mets et vins: il faut créer un plat sur-mesure pour aller avec le vin, pas trouver un vin qui "s'adapte" au plat, ce qui est impossible.  C'est d'ailleurs ce que font beaucoup de gens quand ils cuisinent chez eux: ils ont en tête un certain vin et ils vont faire un plat en fonction.  

Après, il ne faut pas se voiler la face: tout le monde parle du fameux "Un plus un, font trois", comme si l'accord pouvait apporter une dimension supplémentaire à l'expérience.  Pour ma part, j'ai déjà goûté deux ou trois fois du vin et été parfois au restaurant, je cours toujours après ce "un plus un, font trois".  Je commence à penser que cela n'existe que dans les discours des sommeliers, des journalistes ou autres commentateurs du vin, pour donner envie aux gens et leur faire continuer à acheter du vin (ben oui, c'est un peu la crise, alors tout ce qu'on peut fair epour aider...).  L'accord parfait c'est un peu la théorie McCain: plus on en parle, moins on en voit.  Pour ma part, je ne me fais plus aucune illusion, je me contente d'apprécier un vin ou un plat pour ce qu'ils sont, j'essaie de ne pas boire et manger des choses qui ne vont absolument pas ensemble et si je cuisine, je pars toujours du vin.  On peut déjà avoir suffisamment de plaisir comme ça, pas besoin de plus merci.  En attendant, je continue de me marrer quand un magazine me recommande de boire un Médoc avec mon magret de canard. Pfff, quelle connerie.

Monday 24 October 2011

Clone wars

Petite réunion / dégustation avec un producteur californien ce matin.  Ca m'a rappelé des bons souvenirs. Surtout un concept qui m'avait marqué aux US, celui des "clones".  On parlait il y a quelques années beaucoup de clones aux Etats-Unis, surtout pour le pinot noir, les "Dijon Clones", les "Pommard Clones", le "667" ou le "777".  Si les Américains parlent ouvertement des clones qu'ils utilisent, on en parle peu en France.  Cela est très intéressant si l'on considère le point suivant: qu'est-ce qu'un cépage?  Qu'est-ce qui fait génétiquement un cépage?  Le Pinot Noir est-il identique génétiquement parlant partout sur terre?    

La raison du clonage ou de la sélection clonale est simple et née de la crise du phylloxéra.  En effet, pour palier les maladies récurrentes de la vigne, on a créé des techniques de sélection, d'observation puis de reproduction des plants les plus vigoureux.  Une plante-mère donne ainsi des plantes (clones) identiques, qu'on plantera après quelques générations dans un vignoble.  Ainsi, en plantant des clones plus résistants (ainsi qu'en améliorant la conduite des vignobles) on pouvait éviter les crises de pénurie.  Cependant, les progrès des techniques agronomiques et les engrais et autres intrants chimiques introduits après la Seconde Guerre Mondiale ont tellement bien marché qu'aujourd'hui le problème est plutôt l'inverse: on est souvent dans des cas de surproduction.  En effet, la plupart des clones classiques ont été créés pour être vigoureux (résistants aux maladies) et productifs.  C'est pourquoi les meilleurs vignerons français préfèrent  procéder par sélection massale plutôt que clonale, ce qui permet d'avoir des vignes "sur-mesure" et adaptées à ses besoins.  La sélection massale, c'est lorsque un vigneron sélectionne les meilleures de ses vignes pour les reproduire et les replanter.  L'idée étant qu'on utilise des plants qui ont déjà prouvé qu'ils étaient adaptés au contexte des vignobles concernés: climat, hygrométrie, sols etc...  Cela permet de maintenir une certaine diversité génétique.  En revanche, les domaines de très grande taille, pour des questions de régularité, préfèrent utiliser des clones agréés, souvent au détriment de la diversité génétique de leurs vignes.  On accuse souvent les clones de rendre les produits trop standards.

Aux Etats-Unis, comme ailleurs dans les vignobles du Nouveau Monde, et comme le nom l'indique, la viticulture est née (enfin pas vraiment, mais disons "a connu son essor") avec les techniques agronomiques modernes.  Ils utilisent donc allègrement des clones développés pour leur contexte.  En Californie, l'université UC Davis est la spécialiste de toutes les questions de viticulture et en particulier des clones et a développé la plupart des clones que l'on utilise là-bas.  A tel point d'ailleurs que les Américains ont tendance à parler d'un clone particulier comme ayant des caractéristiques tellement développées que c'est presque un cépage à lui tout seul.  En effet, ce qu'on appelle Pinot Noir en France n'a rien à voir avec ce que l'on fait aux US.  Et les Américains peuvent dire autant qu'ils veulent qu'ils essaient de faire du Bourgogne rouge en Oregon ou Sonoma, ils ne pourront jamais le faire, car leurs clones n'ont rien à voir avec les clones français.  Je constate cependant, après ma réunion de ce matin, que le discours a changé un peu par rapport à il y a 5 ans, mon ami ne parle plus de "777 Clone" mais de "Proprietary clones", entendre "sélection massale".  Les vignerons américains chercheraient-ils donc maintenant à se démarquer et à rendre leur production plus unique?  Tant mieux, cette idée fait son chemin, c'est bien pour tout le monde.

Bref, désolé si je fais le méga-geek, mais la viticulture est éminemment complexe et il y a beaucoup d'aspects qui aboutissent au produit qui finit en bouteille, je me suis dit que je tenterais d'en expliquer un des aspects, et non des moindres...

Thursday 20 October 2011

C'est quoi un rendement à l'hectare?

La question du rendement à l'hectare est un des points sensibles de la viticulture moderne. Il est évident et on a prouvé empiriquement depuis très longtemps qu'un rendement faible donne plus de concentration au raisin et donc au vin (enfin, jusqu'à un certin niveau: ce n'est pas parce qu'on aura des rendements de 2 HL/Ha qu'on va produire le meilleur vin du monde...).  Malheureusement, on entend un peu tout et n'importe quoi en la  matière.  La base pour calculer le rendement à l'hectare est: hectolitres par hectare de vin produit.  En gros, on prend la quantité de vin produite pour une parcelle donnée et on divise par le nombre d'hectares de ladite parcelle.  L'INAO fixe des seuils à ne pas dépasser pour chaque appellation.  Cependant, aujourd'hui, la plupart des bons vignerons vous diront que ces seuils sont souvent excessifs.  Et en plus, des petits malins vous diront qu'ils font des faibles rendements, gages de qualité et d'une certaine abnégation (ben oui, on produit moins, donc on vend moins, juste parce qu'on veut vous faire des vins meilleurs), alors que la réalité est beaucoup plus complexe.  Je m'explique:

- d'une part, la densité à l'hectare joue beaucoup.  Typiquement, si vous plantez 10 000 pieds de vignes à l'hectare (une vigne tous les mètres, un mètre entre chaque rang de vignes) et que vous faites un rendement de 40HL/Ha, chaque vigne produit deux fois moins de raisin que si vous en avez 5 000 par hectare.  L'INAO fixe des densités de vignes minimales dans les décrets d'appellation, mais ces densités sont généralement faibles (4 à 5 000 pieds par hectare).   Cela est important si on considère qu'une vigne a besoin de "souffrir" pour donner le meilleur raisin.  Pour clarifier, sachez que la vigne est la plante la plus vigoureuse au monde.  Si vous lui donner du soleil et de l'eau, elle peut pousser (en feuillage) presque à l'infini.  Il exite d'ailleurs en Amazonie des pieds de vignes couvrant plusieurs hectares (je parle bien d'une seule vigne) et étouffant toute la végétation alentour.  Une vigne ne produit du raisin (son "organe reproducteur") que si elle se sent menacée.  Dans le cas où une vigne souffre, toute cette vigueur extraordinaire ira donc dans la production de raisin.  Mais pour cela, il faut vraiment mettre la vigne dans les pires conditions possibles: des sols pauvres, peu de pluie, aucun intrant, une grande concurrence entre vignes.  La vigne, elle, se débrouille très bien, tant qu'il ne fait pas trop froid trop longtemps.  Bref, tout ça pour dire que la densité à l'hectare va jouer sur la compétition entre les vignes pour leurs maigres ressources: plus les vignes sont denses, plus elles sont en "danger" de manque de ressources, plus elles se "battent" pour produire du raisin.

- ensuite, vous avez peut-être entendu parler de "vendanges en vert".  Cela consiste à débarrasser les vignes de grappes de raisins non mûries un mois ou deux avant la vendange pour "alléger" les vignes.  C'est une pratique courante dans certaines régions, mais elle mérite explication.  Au-delà de la densité en vignes d'un hectare, il compte de savoir combien produit chaque vigne.  Cela se mesure par le nombre des grappes de raisins (et au moment de la taille de la vigne, par le nombre d'yeux "francs", ou futurs bourgeons) par vigne.  Ce nombre se décide au moment de la taille hivernale: plus on laisse de branches et plus elles sont longues, plus il y aura d'yeux et donc de raisin par vigne au final.  Vous entendrez des vignerons vous dire que la vendange en vert permet de choisir les meilleures grappes pour que la vigne les favorise lors de leur maturation finale.  Comme si une vigne était capable de reporter l'énergie vitale qu'elle utilise pour produire 12 grappes sur 6 grappes restant après vendange en vert... En réalité, cela n'a jamais été prouvé et il est assez improbable que la concentration du raisin augmente avec une vendange en vert.  Comme j'ai l'esprit mal tourné, je dirais volontiers que ceux qui pratiquent ces vendanges en vert, sont a) des fainéants qui conduisent mal leurs vignes, laissant trop d'yeux et qui sont obliger de retirer des grappes pour éviter de dépasser les rendements max de l'appellation ou b) des gens qui ont peur de perdre du raisin à cause de la grêle ou autre gel tardif et qui font exprès de laisser trop d'yeux pour arriver à un rendement "acceptable": soit juste en dessous du max soit à un rendement qui fait genre on produit de la qualité.  

- enfin, les vendangeurs procèdent à des tris à la vigne, laissant tomber plus ou moins de raisin selon les exigences du vigneron et les vignerons les plus exigeants ont même des tables de tri qu'ils apportent avec eux dans le vignoble pour trier le raisin vendangé.  Cela réduit le rendement final et est plutôt souhaitable.

On voit bien que la notion de rendement est plus compliquée qu'une équation quantité de raisin / nombre d'hectares.  La prochaine fois qu'un vigneron ou représentant vous parlera de ses rendements bas, vous saurez leur poser les bonnes questions: oui mais, quelle est la densité de plantation des vignes?  Et procédez-vous à des vendanges en vert?  Au final, la seule façon de juger des pratiques d'un vigneron, c'est encore d'aller faire un tour dans ses vignes.  Les plus avertis pourront aller dès la fin de la taille, sinon, après la floraison ça marche très bien.  Si vous voyez que les vignes ont plusieurs douzaines d'yeux ou de "grappes", et que le vigneron vous dit qu'il fait 14 HL/Ha, c'est certainement qu'il y a  un loup quelque part...

La folie des verres

Ca me fait bien marrer de voir à quel point les verres pulullent.  On se retrouve des fois à table au restaurant avec 5 verres différents.  Merde, celui-là était le verre à eau, la honte! Il y a pratiquement un verre pour chaque type (supposé) de vin.  J'attends avec impatience la sortie du verre spécial "Verre Bourgueil jeune, mais pas trop léger, ayant entre trois et cinq ans de vieillissement".  Il manque cruellement à ma collec' celui-là.  Je soupçonne les verriers d'en faire un peu trop pour nous faire acheter tout et n'importe quoi.  Surtout, j'adore quand ils font des présentations du genre: "On a réuni tous les Meilleurs Sommeliers du Monde des 20 dernières années, Robert Parker, Thierry Desseauve, Jancis Robinson et Hugh Johnson et le président de l'INAO pour une dégustation à l'aveugle exceptionnelle et ils sont tous tombés d'accord que ce verre - le "Bourgogne blanc, plutôt Muersault que Chassagne, sans remuage, millésime frais et sec" - était le verre idéal pour boire un Meursault Perrières 2007 des Comtes Lafon."  C'est exactement ce qui va me décider à en acheter quelques  douzaines...

Ensuite, la multiplication des verres crée des situations assez embarrassantes pour notre cher stagiaire sommelier qui se plante de verre et se fait engueuler par le sommelier en charge. Les clients s'en foutent et n'avaient même pas remarqué, mais c'est pas ça le problème, c'est que c'est HYPER-important d'avoir 40 verres différents sur une table.

J'adore tout particulièrement les verres "techniques", qui sont complètement pas pratiques, ont des noms inprononçables et des designs anguleux, il n'y a rien qui me fasse moins envie de boire du vin...

Bref, si comme moi vous trouvez cela absurde, voici ce que je recommande: n'avoir qu'un seul verre pour tous les vins.  Et oui, c'est possible.  Le premier avantage c'est que la dégustation étant un exercice où il y a énormément d'aléas, c'est bien de pouvoir se dire que n'est pas parce qu'on a un verre différent que le vin goûte différemment.  Ensuite, au moins comme ça, vous n'aurez pas à décider quel verre il faut pour quel vin.  Bien évidemment, le poids, le design, le matériau et l'équilibre d'un verre sont aussi importants: un verre peut être très beau, si il n'est pas fonctionnel, ça ne sert à rien.

Ensuite, en termes d'utilisation, je conseille de toujours laver les verres à la main et de les sécher aussitôt avec un torchon propre (les pros le savent déjà, désolé pour eux de le répéter).  Avec les laves-vaisselle, l'eau calcaire et des cycles "séchage" de durée inconnue, ça peut craindre après un certain temps. Ensuite, à la main on a quand même moins de chances de casser les verres, en tout cas, après une petite formation au séchage et un peu de pratique. Enfin, une fois propres et secs, stocker les verres debout sur une étagère ouverte.  Surtout pas dans un palacard ou un buffet fermé.

Voilà en gros ce que j'ai à dire.  Pour ma part, le verre idéal de dégustation c'est ce verre-là:

Tuesday 18 October 2011

Connaissez-vous le Porto?

Petit hommage à Bruno Verjus dans le titre.

La vraie question serait plutôt: les Français connaissent-ils le Porto?  A en croire un de mes anciens boss, fin connaisseur du vin et du marché français, les Français ne boivent que des tawny et des ruby "sans intérêt".  Il est vrai qu'on voit rarement en France des Portos Vintage ou des vieilles Colheitas.  A l'occasion de la rencontre récente d'un importateur de Portos "indépendants" et d'une dégustation de sa gamme, le Porto est venu se rappeler à mon bon souvenir.  Petit tour d'horizon:

Pour ceux qui savent déjà comment on fait du Porto, passer au prochain paragraphe. Pour les autres, lire attentivement.  Le Porto est un vin muté, qu'il soit rouge ou (beaucoup plus rarement) blanc.  Le mutage (non, pas la mutation) est une opération qui consiste à rajouter de l'alcool neutre (généralement fait avec du raisin, quand même), dans un vin en fermentation pour stopper la fermentation.  Les raisons historiques de ce procédé tiennent essentiellement à une stabilité accrue du vin après mutage.  Bref, il faut savoir que les levures qui transforment le sucre contenu dans le raisin en alcool (et en CO2) ne supportent pas une concentration en alcool trop élevée, généralement pas plus de 14 ou 15%.  C'est pourquoi, un jus de raisin dont le brix (concentration en sucre, traduite en potentiel alcoolique) est supérieur à 15, donnera un vin sucré, car les levures meurent avant d'avoir consommé tout le sucre et il reste donc du sucre résiduel dans le produit final.  C'est aussi pour ça que si on ajoute de l'alcool à un vin qui fermente et donc qu'on augmente la concentration en alcool au-dessus du seuil de 15% (ce seuil dépend évidemment du type de levures, des conditions climatiques et de tas d'autres facteurs, mais on va prendre ce chiffre pour faire simple), les levures meurent, et le vin résultant contiendra aussi du sucre.  On ne parle pas ici de sucre "résiduel".  Bref, le principe de base est le même pour tous les Portos: ce sont des vins mutés.  En France on appelle ça, honteusement, un "Vin Doux Naturel", ce qui est impropre et volontairement trompeur, car il n'y a rien de naturel dans le fait de muter le vin.  Un Alsace Vendanges Tardives, un Coteaux du Layon ou un Sauternes sont beaucoup plus "naturellement doux"...

Noter quand même que la production du Porto est en fait assez similaire à la production de Champagne.  Je veux dire par là, que pour des raisons de régularité dans des conditions climatiques extrêmes (froid en Champagne, chaud dans la vallée du Douro, où se trouvent les vignes du Porto), la plupart des vins embouteillés est un assemblage de millésimes.  Pour diverse raisons économiques (car il faut avoir les reins solides pour supporter d'avoir la majorité de sa production immobilisée pendant plusieurs années), cela favorise aussi la répartition du type: très grande concentration de la production de vin entre les mains de quelques très gros négociants et très grande multitude de petits vignerons qui fournissent du raisin aux négociants.  Et comme en Champagne, avec l'essor ces dernières années des vins "de vignerons", ou en termes techniques de "récoltants manipulants" (merci l'administration française), il est passionant de voir l'essor des Portos de vignerons, ou, comme ils disent là-bas, de "quinta".  Comme en Champagne, beaucoup de familles qui fournissent du raisin depuis des générations aux négociants, ont aussi une petite production familiale, qui est aujourd'hui beaucoup plus valorisée.

Après, ce qui va faire la différence entre les différentes catégories de Porto, c'est l'élevage.  Voici les principales catégories:
- Le Tawny: c'est un vin élevé pendant une très longue période dans des foudres (très grands fûts).  Généralement, ce ne sont pas les vins de la plus grande qualité qui vont être mis en foudres pour devenir des Tawnys... Une oxydation lente s'opère et le vin final est totalement oxydatif.  Il peut y avoir une mention d'âge sur l'étiquette.  Cela est en fait une moyenne d'âge des vins assemblés pour cet embouteillage particulier.  Par exemple, un Tawny 40 ans d'âge peut très bien être un assemblage de vins de 20 ans et de 60 ans à proportions égales.  Quand il n'y a pas de mention d'âge, il s'agit de vins très jeunes et donc moins complexes.

- Le Vintage: comme en Champagne, certains millésimes "exceptionnels" ont droit à une "déclaration de millésime", c'est-à-dire que les producteurs ont le droit de faire du vin de ce millésime exclusivement.  Pour la petite histoire, un producteur qui estime que sa production ou une partie de sa production une année non-déclarée en vaut la peine, a un recours et peut demander une déclaration personnelle, ce que ne peuvent pas faire les Champenois.  Merci qui?  Ensuite, les Vintage sont vieillis dans des petits fûts pendant une ou deux années, comme un vin normal quoi.  Ces vins sont les plus prisés des amateurs de Porto et ressemblent le plus à des vins rouges normaux.  Je dis souvent que les gros rouges de la Napa Valley et (malheureusement) de l'Oregon, à la fois très tanniques et avec beaucoup de sucre résiduel, peuvent ressembler à des portos.  C'est de ce type de Porto que je parle en disant cela.  Bien sûr la structure n'est pas la même, en particulier l'intégration de l'alcool, mais bon, vous voyez où je veux en venir: le Porto Vintage, c'est un gros rouge avec du sucre.  Cela étant, c'est parmi les vintage qu'on trouvera les expressions les plus intéressantes et les plus typées.  Ce qui ne cesse de me fasciner, c'est comment certains portos vintages peuvent avoir autant de fraîcheur et de vivacité, alors que tout semblerait indiquer exactement le contraire.

- Les LBV (late-bottled vintage) ou Colheitas: Ce sont des vins destinés à l'origine à être des tawnys, mais qui ont finalement été embouteillés en mono-millésime, après un élevage extensif et oxydatif donc.  En réalité, les producteurs de Porto savent très bien ce qui va devenir un LBV et d'ailleurs utilisent généralement pour cette production des fûts moins grands que les Tawnys classiques.  Dans le pire des cas, si le fût ne donne pas satisfaction, il peuvent toujours le transvaser dans un contenant plus grand de tawny.  Cette catégorie pour moi est la plus intéressante en termes de rapport qualité-prix et on peut encore trouver des vraies pépites des années 60 à moins de 150€, ce qui est cher, je sais, mais pas vraiment quand on considère l'âge...  Le LBV est à mi-chemin entre le Tawny et le Vintage, oxydatif, comme je disais, mais avec les caractéristiques propres d'un millésime.  La production varie beaucoup, mais peut donner lieu à des flacons vraiment exceptionnels.

Voilà en gros et en pas trop long le porto.  J'ai sciemment évité de parler de terroirs ou de cépages, n'importe quel site internet peut mieux vous renseigner que moi.  Je trouve dommage que l'on ne boive pas plus de vrai porto en France.  Il se prête pourtant très bien à la table, demandez aux Anglais quel est le meilleur vin pour boire avec des fromages bleus...  Un truc que je n'ai jamais vraiment compris, c'est la décantation du Porto, en particulier le vintage.  A chaque fois que j'ai été invité à une dégustation de porto, le vin avait été décanté avant que je n'arrive.  Je crois comprendre qu'il est préférable de décanter un porto vintage et je pense que la plupart du temps, il s'agit de double-décantation: en gros on verse dans une carafe (avec peut-être une petite filtration au passage) et ensuite on reverse dans la bouteille d'origine.  Bref, j'aime bien ce petit côté mystérieux.

Ensuite, donc, comme je disais, si vous voulez vous intéresser au Porto, il est préférable d'étudier les Vintage, les LBV ou les très vieux Tawnys.  Ensuite, si le Porto est en grande distribution, évitez d'en acheter, surtout les marques qui finissent en < 's >.  Ces vins-là sont tout juste bons à déglacer les sucs au fond de votre poêle pour construire votre sauce.  Les vins de vignerons, ou de quinta, sont à mon avis les plus intéressants.  Si la marque du vin s'appelle Quinta do ou Quinta da machin-bidule, c'est bon.  Attention cependant, car les gros négociants, sentant l'intérêt pour les portos de quinta, se sont mis à embouteiller des vins "single-quinta".  Evitez aussi, c'est souvent du pipeau sans intérêt.  Après, on a un vrai problème en France: où trouver des vrais bons Portos?  Je suis désolé, mais je ne sais pas, j'ai toujours bu du porto à l'étranger.  Certains bons cavistes parisiens doivent en avoir, je pense qu'il doit y en avoir un peu plus dans le Sud-Ouest, par proximité géographique, mais à part ça, je ne sais pas trop.  Sinon, faites vos bagages et consommez-en à Londres, New York ou Porto... Comme dirait le Guide Michelin, ça en vaut le détour.

Monday 17 October 2011

Le vin, c'est comme la bière.

Ah la capsule d'une bouteille de vin! Vous avez peut-être entendu parler de ou même eu entre les mains une très vieille bouteille de Bordeaux ou de Bourgogne avec une capsule en ferraille épaisse, genre rouleau d'étain épais.  Ces capsules-là étaient un peu l'équivalent de la ceinture de chasteté médiévale. Elles ont été progressivement abandonnées pour des alternatives moins couteuses.  Il y a aussi eu des bruits qui disaient que ces capsules contenaient du plomb et pouvaient donc causer le saturnisme.  On imagine bien la quantité de vin avec la capsule mal coupée qu'il fallait boire pour en être atteint de cette façon...

Avec la généralisation de la bouteille et surtout de la taxation de l'alcool et des appellations, on a créé ce qui s'appelle la "capsule congé", qui certifie que les droits ont été payés sur ledit vin.  En France, ça ressemble à une petite pastille ronde collée sur le dessus de la bouteille, avec une Marianne et un code couleur selon le type d'appellation: le vert, c'est une AOC, le bleu c'est un VDP (il me semble en tout cas, désolé si je me suis planté, là où je suis, je ne peux pas exactement aller à la supérette vérifier).  Bref tout ça pour dire qu'aujourd'hui, le seul intérêt de la capsule d'une bouteille de vin, c'est de porter la capsule congé.   Chaque pays a sa façon de faire, en Italie, par exemple, il y a un petit bandeau de papier recouvrant le dessus de la bouteille et qui porte les mentions officielles.  Bref, c'est assez pittoresque et très utilitariste.

Bien entendu, de peur que vous soyez atteint de saturnisme (on ne sait jamais!), on vous a bien appris à couper la capsule comme ça:

Surtout pas comme ça:

Tout ça est très beau et ça me fait toujours bien marrer de voir un pauvre stagiaire sommelier tout tremblotant qui lutte pour couper proprement sa capsule.  En attendant, je trouve les capsules assez moches et inutiles (une fois que le vin a été acheté et les droits acquittés, s'entend).  La plupart du temps, les capsules n'ont aucun rapport en termes de design ou de code couleur avec le reste de la bouteille ou l'étiquette du vin.  Donc, il me semble plus approprié de retirer carrément la capsule.  Ben oui! Euréka! Comme ça, on ne risque pas de couper la capsule de travers, ni d'attraper le saturnisme, ni d'avoir une capsule toute moche qui ne sert à rien.

Comme quoi, le vin c'est comme la bière, ça se décapsule.