Monday 31 October 2011

C'est quoi un consultant en vins?

Ca me fait toujours bien marrer quand je rencontre un "consultant en vin".  Tu fais quoi dans la vie alors?  Je suis consultant en vins.  Wouah! La classe!  Mais, au fait, ça sert à quoi un consultant en vin?  En gros, et pour faire simple, un consultant en vin ça s'occuppe des vins pour un restaurant ou un bar.  C'est l'externalisation, à divers degrés, de toute la carte des vins du resto en question.  Après, le consultant peut apporter plus ou moins de services: gestion et suivi du stock et de l'appro, formation du staff, écriture de la carte des vins et pricing etc.  Le besoin du consultant s'explique par le fait que dans la plupart des cas, le propriétaire du restaurant à une formation de cuisine (ou pas) et n'a pas le bagage nécessaire ou le temps de s'occupper de sa carte des vins.  On rencontre donc de plus en plus de "consultants" dans les événements pros et autres salons.  D'autant qu'être consultant peut avoir un très bon rapport travail fourni / rémunération. Mais il existe beaucoup de types de consultants, voici donc une petite typologie:

- le consultant qui assure: il est rare de rencontrer un vrai consultant en vin, qui a du métier, de l'expérience, et qui apporte une vraie plus-value.  Quand on en rencontre un (c'est excessivement rare), on est content.  Généralement ce type de consultant est très fort mais ne se la ramène pas du tout.

- le consultant / bête de concours: il a gagné le concours du meilleur jeune sommelier de Franche-Comté et depuis il sélectionne les vins des wagons-bars des trains Corail de la ligne Bourg-en-Bresse - Besançon.  A l'opposé, il a été sacré meilleur sommelier du Monde et il consulte pour Air France, Lufthansa, Sofitel, Hippopotamus, Métro et Potel & Chabot.  La valeur de son trophée est évidemment à la mesure (de l'excès) de ses frais de consulting.  

- le consultant qui connait du monde: distributeur de vin à ses heures perdues, il connait un petit producteur de Champagne, un vigneron à Cahors et un producteur de Brouilly, dont il distribue les vins à ses copains qui ont des bistros.  Une vraie chaîne de l'amitié.

- le consultant/caviste: caviste en province, notre consultant vend aussi à quelques restos et bistros, si bien qu'il en vient à faire le consultant pour les restos du coin.  Les résultats sont très variés, certains arrivant tout de même à faire du très bon boulot.

- le consultant/commercial: il distribue un "portefeuille" de vins, son travail de consultant consiste à passer chez ses clients faire un petit inventaire rapide pour pouvoir se passer des commandes à lui-même.

- le consultant / producteur: son père est vigneron à Chinon, du coup il s'est fait le porte-parole de tous les vins de l'appellation, en particulier ceux des vignerons avec qui il s'entend bien.  Est capable de vous faire croire que votre liste de vin n'a vraiment besoin que de Chinon (ben oui, ils font du rouge, du rosé ET du blanc) et à la place du Champagne, pourquoi ne pas prendre un Vouvray pétillant, c'est pas trop loin de Chinon.

Il est vrai qu'en France, on ne connaît pas trop les consultants, pour ça on a Richard, qui accapare les cartes des vins de plusieurs dizaines de milliers de restaurants et bistros.  Ben oui, mais Richard, ils fournissent la machine à café gratos, ce qui est loin d'être négligeable...  En attendant, plus je vois de consultants en vin, plus je me marre.




Wine Fiesta @ Customs House

Grand raout d'un importateur local ce weekend: sa dégustation annuelle, nommée "Wine Fiesta".  L'occasion de goûter la plupart des vins de leur portefeuille.  C'est une boîte que j'aime bien et avec laquelle je commence à travailler un peu, donc j'étais assez impatient de goûter tous leurs vins.

L'événement était organisé par pays avec des disparités assez prononcées. On pouvait avoir un Australien cultissime et très régulier dans sa qualité, à côté d'un producteur industriel sans intérêt.  J'ai pu regoûter les vins de Yarra Yerring, qui présentent un très bon rapport qualité-prix et font des shiraz (entre autres) qui ne cessent de me plaire, faits de profondeur et de souplesse, sans les raccourcis oenologiques d'usage (macération carbonique, levures sélectionnées, boisage extrême).  Il s'agit bien ici de vins "vrais" et très gourmands.

On a  goûté de belles choses de France aussi, en particulier les blancs de Mischief & Mayhem, un négociant anglais qui fait des vins de Côte d'Or essentiellement (plus quelques Chablis).  Je trouve intéressant de voir des négociants anglo-saxons ou néerlandais ou d'autres nationalités installés en Bourgogne et qui sont très connus à l'étranger mais pas du tout en France.  En France on part du principe qu'il n'y a que les Français qui peuvent comprendre le vin français et en particulier la Bourgogne.  On se méfie donc de l'anglo-saxon qui essaie de nous vendre "nos" vins.  Du coup, Lucien Lemoine, qui est maintenant un peu connu en France, est depuis loingtemps établi en-dehors de nos frontières. Idem pour Mischief & Mayhem.  Un jour, bientôt, les sommeliers français s'intéresseront à Mischief & Mayhem, je le prédis.

Ensuite, et comme il faisait assez chaud sous cette tente en extérieur, on recherchait des vins frais.  Malgré les grosses souffleries industrielles, la chaleur devenait rapidement accablante.  Du coup, les vins légers et frais ont eu notre préférence (je dis nous, car on était plusieurs à être d'accord).  Je nous ai donc orienté vers des Riesling allemands, de Max Ferdinand Richter.  Ce domaine de Moselle (ou Mosel en allemand dans le texte) produit des rieslings très représentatif de ce que j'aime bien dans ce type de vins.  Je me souviens d'un vigneron français qui me disait que les plus grands rieslings au monde étaient produits en Allemange, que ce soit dans le Rheingau ou le Mosel-Saar-Ruwer.  Je ne sais pas pour la grandeur, mais, quand ils sont bien faits, les rieslings allemands ont un indice de buvabilité imbattable.  En particulier les Kabinett ou lesTrocken (avec le moins de sucre résiduel): ce sont souvent des vins légers, gourmands, très doux et faciles à boire.  Je n'ai jamais bu de petit lait, mais je me l'imagine ayant un goût très proche du Wehlenner Sonnenuhr de Richter.  Le nom Wehlenner Sonnenuhr en dit d'ailleurs long sur ce vignoble de la vallée de la Moselle.  Wehlen est le nom de la commune où se trouve le vignoble.  Sonnenuhr signifie "Heure du soleil": c'est un vignoble orienté plein sud sur un coteau escarpé, ce qui est important dans un climat froid, pour ammener les raisins à maturité.  J'avais déjà goûté des très bons rieslings moselliens d'autres producteurs, comme J.J. Prüm ou Egon Müller, mais encore une fois j'ai été charmé par la légèreté presque evanescente de ces vins.  Bref, comme dit si bien un de mes amis, c'est le genre de vin qui se boit deux bouteilles par deux.

Voilà pour le petit compte-rendu de dégustation, la suite au prochain numéro.





  

Thursday 27 October 2011

Gambero Rosso @ St Regis Hotel

Première dégustation Gambero Rosso à Singapour, hier au St Regis.  Ce n'était pas la dégustation "Tre Bicchieri" comme je le croyais (voir article "Quand les Français apprendront-ils à travailler ensemble?") mais un "Italian Wine Roadshow".  C'est une dégustation de producteurs italiens qui aura désormais lieu à Mumbai, Singapour, Séoul, Moscou, Sao Paulo et Rio de Janeiro tous les ans.  On voit très bien où les Italiens concentrent désormais leurs efforts!

Même si j'ai une aversion totale pour ce genre de grand événement, je me suis pointé au bon moment, et il n'y avait pas trop de monde, tant mieux.  Je ne supporte pas de jouer des coudes pour pouvoir avoir un petit verre... Et puis souvent, si on n'est pas là dès le début (comme ce fût mon cas), il ne reste plus les vins les plus recherchés, comme par exemple le seul Barolo de Gaja, qui visiblement a été liquidé en une demie-heure.  Ce n'est pas grave, j'en ai déjà assez goûté par le passé, mais ce n'est pas forcément le cas de tout le monde.  Petite parenthèse, en Asie, encore plus qu'en Europe, les gens vont directement chercher les vins les plus chers à une dégustation: sans aucune vergogne, ils se pointent, demandent le vin le plus cher, un peu plus, encore un peu, merci et Cheers!

La dégustation en elle-même regroupait environ 50 domaines de presque toutes les régions d'Italie.  Contrairement au Tre Bicchieri Tasting, il n'y avait pas que du top, mais un panorama assez extensif de la viticulture italienne, même si il s'agissait quand même de très gros domaines pour la plupart.

Comme toujours, j'ai commencé par faire une tournée de vin blanc avant de passer au rouge.  Il y avait beaucoup de Vementino de diverses régions (en France on appelle ça le Rolle), quelques Greco di Tufo (le cépage est autochtone, mais le mot "tufo" est exactement le même que le tuffeau d'Anjou ou de Loire, même type de sols), quelques cépages internationaux (chardonnay, sauvignon de diverses régions) et des cépages autochtones, comme le Picolit du Piémont.  Les blancs italiens sont assez intéressants, car ils peuvent jouer  sur un registre qu'on ne connait que peu en France, très proche de l'excès d'amertume.  Souvent, les vins mettent allègrement les pieds dans le plat, mais des fois ils sont juste à la limite, jouant avec brio une partition d'équilibriste.  Ca, pour le coup, j'aime bien.  Ce que j'aime moins, c'est quand le vin est sans origine, fait par un consultant et avec des levures choisies plutôt qu'endogènes.  Je constate quand même qu'il y avait moins de blancs élevés en fût que par le passé et beaucoup sans FML (fermentation malo-lactique), ce qui permet de retenir un peu d'acidité et donc de fraîcheur.  Mais bon, dans l'ensemble, les blancs étaient sans surprise.  J'ai quand même fait une jolie découverte: le Vermentino di Gallura.  C'est apparemment la seule DOCG de Vermentino en Italie.  Une DOCG, c'est une "Appellazione di Origine Controllata e Garantita", soit une appellation de qualité supérieure.  Il y en a une cinquantaine en tout, comme le Brunello di Montalcino, le Barolo ou le Greco di Tufo.  Souvent le nom comporte le nom du cépage "Vermentino" et de la provenance "di Gallura".  Bref, je ne connaissais pas cette DOCG, située au Nord de la Sardaigne, et elle était représentée par la Cantina di Gallura. Des 4 vins que j'ai goûté du domaine, 3 m'ont vraiment bluffés: je n'avais jamais senti ni goûté de vermentino avec ces profils aromatiques, des nez tout dans la retenu, avec une minéralité très expressive en bouche.  Apparemment cette région a une grande amplitude thermique entre jour et nuit, ce qui permet de mûrir le vermentino à point.  En tout cas, au nez, on aurait dit des grands pinot gris d'Alsace, plutôt que des Vermentino, faussement floraux au nez et beurrés en bouche.  Bref, j'ai pris une photo (super-moche) de ma bouteille préférée, pour pouvoir m'en souvenir:



En termes de rouges ensuite, du très traditionnel, Chianti, Brunello, Barolo, ou du moins connu, comme le Sagrantino di Montefalco, une de mes appellations préférées, parce qu'il y a deux vignerons cultes là-bas, mais qui n'étaient pas présents à cet événement :-(  Les rouges, comme souvent avec les vins italiens jeunes (j'adore les généralisations!), étaient super-durs, astringents et dans l'ensemble pas agréables.  En même temps, je me démerde toujours dans ce genre de dégustation pour aimer le contraire de ce que les gens aiment: je suis allé à une dégustation de vins allemands une fois, où j'ai adoré les vins rouges...  Bon en attendant, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la main, des Chianti en manque d'inspiration, des Aglianico confits de chez confits, un Barolo beaucoup trop jeune (enfin, moi je dirais plutôt " avec des tannins pas mûrs", mais le représentant insite qu'il faut attendre au moins 70 ans pour boire un vrai Barolo, tant mieux pour ceux qui le peuvent), un sagrantino sans envergure.  Petite rédemption pour un Montepulciano d'Abruzzo (le nom = cépage + la provenance), que je connaissais déjà bien pour en avoir vendu aux Etats-Unis: Valle Reale.  La représentante de la marque me parle un peu du domaine, qui, je le savais, est niché dans un parc naturel et donc totalement protégé de la pollution.  Je me souvenais que le vin était bio (peut-être même biodynamique), mais elle m'a dit qu'en fait, il n'avaient toujours pas de label (ce n'est pas important en soit, mais bon, ils m'auraient menti à l'époque?  Ma mémoire me fait-elle défaut?).  Bref, en discutant avec elle, elle me dit qu'ils font de plus en plus de vins avec des "natural yeasts", entendez levures endogènes.  Ben j'espère bien!  Je ne comprends pas comment on peut prétendre faire un vin naturel si on n'utilise pas exclusivement des levures endogènes.  Le fait que les levures sélectionnées soient bio ne sert absolument à rien.  D'ailleurs, ça veut dire quoi des levures bios?  Dans ma cuisine, je cultive des levures bios, dans mon kéfir.  Ca ne veut pas dire qu'elles feraient un bon vin ou une bonne bière.... Je devrais faire un article entier sur ce sujet pour m'expliquer pleinement, mais en attendant, même si les vins étaient bien, gourmands et frais, j'ai été quand même un peu scié.  

Bref, tant pis pour les rouges d'Italie, je garderais volontiers uniquement les blancs, ceux qui aiment les rouges super-astringents ou qui sont certains de vivre 140 ans peuvent attendre que leur Barolo soit prêt.

PS: Petite précision pour être plus clair, quand je généralise en parlant des "vins rouges italiens", je parle bien sûr des vins italiens moyens.  Il existe bien entendu des myriades d'exceptions, de vins frais, élégants, se buvant bien jeunes.  Mais je constate tout de même que les rouges italiens astringents et imbuvables se cachent souvent derrière l'excuse bidon du "il n'est pas prêt à boire, il faut l'attendre encore quelques décennies pour qu'il soit à son apogée".  Je renvoie à un article antérieur (Volpaia @ Mozza), sur le fait qu'un vin vieux n'est bon que lorsqu'il est bon jeune et surtout qu'un vin astringent jeune ne sera jamais bon.  Pensez aux Médoc de 1988 par exemple: souvent, les vins étaient durs et astringents jeunes et les Médocains disaient qu'il fallait "les attendre".  Ceux qui ont attendu ont pu constater que les vins ne sont jamais devenus "bons" par enchantement, ils se sont juste desséchés, à tel point qu'il ne restait à la fin que du tannin sec et désagréable.  Bref, vous l'aurez compris, si ce n'est pas bon jeune, ça ne m'intéresse pas.


Wednesday 26 October 2011

Confusion de genres

Ca me fait toujours bien marrer quand on me prend pour un oenologue.  Souvent, quand je rencontre quelqu'un, on me demande ce que je fais dans la vie: "Je travaille dans le vin." "Ah, vous êtes oenologue!".  Ben non, en fait, même si j'ai quelques notions d'oenologie, métier oblige, je n'ai pas de DNO et je n'ai jamais fait de vin.  
Pour simplifier et pour être sûr que mon interlocuteur retienne la différence, je dis toujours:
"Le job d'un oenologue, c'est de remplir la bouteille.  Le job d'un sommelier, c'est de la vider"

Tuesday 25 October 2011

Accords imparfaits

Ca me fait toujours bien marrer de lire des recettes de cuisine où l'auteur se sent obligé de donner des recommandations d'accord avec du vin.  Sachez qu'avec le tagine d'agneau aux pruneaux, il est recommandé de boire un Châteauneuf-du-Pape rouge ou un Coteaux du Languedoc et avec un civet de lièvre, rien de tel qu'un Chambolle-Musigny ou un Chinon rouge.  Comme si n'importe quel vin de l'appellation ferait l'affaire. Oui, et puis, si vous utilisez pour votre recette un lièvre surgelé de chez Lidl ou un lièvre chassé par vos soins, c'est exactement la même chose... Le tout, c'est d'y croire!

Je veux bien qu'il y ait un "style" ou une typicité d'appellation.  En effet, on retrouve souvent des caractéristiques communes, par exemple, entre les Côte-Rôtie de plusieurs producteurs (sur un millésime donné).  Il est vrai qu'en France, on a tendance à penser que le terroir fait tout, c'est un discours tout à fait généralisé et accepté de tous.  Encore faut-il s'entendre sur le terme "terroir".  Noter quand même qu'un terroir, dans son acception globale, c'est la somme des facteurs naturels ET humains; trop souvent on fait un raccourci pour dire que le terroir, en fait, ce ne sont que les facteurs naturels et en particulier géologiques...   D'ailleurs, dans l'écrasante majorité des cas, en France, quand on parle de "terroir" on parle du sol: on entend souvent des trucs du genre "ce vin provient d'un terroir argilo-calcaire".  Cela est non seulement inutile (c'est bien, tu as bien appris ta leçon, coucouche panier maintenant), mais trompeur.  Je n'aime pas les vignerons qui se cachent trop derrière le "terroir" (comprendre uniquement les facteurs naturels, voire le sol), c'est soit de la fausse-modestie, soit une façon de se déresponsabiliser; Ben oui, si le sol fait tout, je ne vois pas pourquoi on se briserait l'échine à faire quoique ce soit.  Puisque tout est déterminé d'avance, il suffit de laisser "s'exprimer le terroir".  Cela est un trait tout ce qu'il y a de plus français et même si je ne nierais jamais l'importance des facteurs naturels dans le goût d'un vin, je pense que le travail du vigneron est plus déterminant.  Tout ça pour dire qu'entre un Saumur-Champigny de la Cave coopérative de Saint-Cyr-en-Bourg et un Clos Rougeard, il n'y pas seulement un monde, mais il y a beaucoup plus de différence entre ces deux vins qu'entre un Saumur-Champigny et un Bourgueil produits de façon similaire.

Je trouve dangereux de partir du principe que les facteurs naturels font tout, car cela n'aide pas les gens à apprécier le vin, mais les encourage plutôt à mémoriser ce qu'est sensé goûter une aire géographique.  Et c'est exactement ce que nous encouragent à faire ces recommandations débiles du genre "Servir avec un Chablis bien frais".  Ben oui, mais quoi comme Chablis?  Elevé en fûts de chêne?  Jeune, vieux, quel millésime???  Levures endogènes ou pas??? Je trouve ça complètement débile et inutile de me dire de boire un Chablis.  Si je veux boire un Chablis, j'en choisirai un d'un producteur que j'aime bien et non, cela n'est pas la même chose que le Chablis de cave copé qu'on trouve en supermarché.

Cela étant, beaucoup de gens ont beaucoup réfléchi aux accords mets et vins et malgré tout cela, on entend toujours des inepties de la plupart des gens, comme "Rien de tel qu'un bon Camembert avec un vin rouge!".  Je ne sais pas si vous avez déjà essayé, mais le camembert ne va absolument pas avec le vin rouge et encore moins les rouges tanniques: ça fait ressortir l'amertume.  Le sommelier lui est supposé nous trouver l'accord parfait quand on va au restaurant.  Bon, déjà, passons sur le fait que si tout le monde ne mange pas la même chose à une table, il est impossible que cela marche, à moins de chacun avoir un verre de vin différent.  D'ailleurs, le travail du sommelier n'est pas tant de trouver ce qui va "aller avec" ce que vous mangez, mais plutôt de trouver un vin qui ne va pas choquer ni dominer ni être dominé par ce que vous mangez.  Le sommelier est un garde-fou en quelques sortes.  D'ailleurs, on peut dire ce que l'on veut, mais dans 99% des cas, la cuisine et la sommellerie ne travaillent pas du tout ensemble: le Chef sort ce qu'il aime cuisiner et le sommelier sert les vins qu'il aime, mais la réflexion ne va pas du tout au-delà.  Je ne dis pas que c'est dommage, je dis simplement que c'est comme ça.  Cela ne nous empêche pas de boire une bonne bouteille de vin en mangeant un plat agréable et de passer un bon moment.

De toutes façons, la seule façon pour qu'un accord marche réellement (et ne soit pas le fruit du hasard), c'est de commencer avec la bouteille de vin.  Je veux dire par là que ce qui est dans la bouteille ne peux pas être altéré (en tout cas, je ne le recommande pas), par contre, un plat peut être adapté ou créé en fonction du vin.  Un certain Alain Senderens avait commencé à faire ça il y a quelques années et pour moi c'est la seule démarche honnête possible si on veut réellement s'intéresser aux accord mets et vins: il faut créer un plat sur-mesure pour aller avec le vin, pas trouver un vin qui "s'adapte" au plat, ce qui est impossible.  C'est d'ailleurs ce que font beaucoup de gens quand ils cuisinent chez eux: ils ont en tête un certain vin et ils vont faire un plat en fonction.  

Après, il ne faut pas se voiler la face: tout le monde parle du fameux "Un plus un, font trois", comme si l'accord pouvait apporter une dimension supplémentaire à l'expérience.  Pour ma part, j'ai déjà goûté deux ou trois fois du vin et été parfois au restaurant, je cours toujours après ce "un plus un, font trois".  Je commence à penser que cela n'existe que dans les discours des sommeliers, des journalistes ou autres commentateurs du vin, pour donner envie aux gens et leur faire continuer à acheter du vin (ben oui, c'est un peu la crise, alors tout ce qu'on peut fair epour aider...).  L'accord parfait c'est un peu la théorie McCain: plus on en parle, moins on en voit.  Pour ma part, je ne me fais plus aucune illusion, je me contente d'apprécier un vin ou un plat pour ce qu'ils sont, j'essaie de ne pas boire et manger des choses qui ne vont absolument pas ensemble et si je cuisine, je pars toujours du vin.  On peut déjà avoir suffisamment de plaisir comme ça, pas besoin de plus merci.  En attendant, je continue de me marrer quand un magazine me recommande de boire un Médoc avec mon magret de canard. Pfff, quelle connerie.

Monday 24 October 2011

Clone wars

Petite réunion / dégustation avec un producteur californien ce matin.  Ca m'a rappelé des bons souvenirs. Surtout un concept qui m'avait marqué aux US, celui des "clones".  On parlait il y a quelques années beaucoup de clones aux Etats-Unis, surtout pour le pinot noir, les "Dijon Clones", les "Pommard Clones", le "667" ou le "777".  Si les Américains parlent ouvertement des clones qu'ils utilisent, on en parle peu en France.  Cela est très intéressant si l'on considère le point suivant: qu'est-ce qu'un cépage?  Qu'est-ce qui fait génétiquement un cépage?  Le Pinot Noir est-il identique génétiquement parlant partout sur terre?    

La raison du clonage ou de la sélection clonale est simple et née de la crise du phylloxéra.  En effet, pour palier les maladies récurrentes de la vigne, on a créé des techniques de sélection, d'observation puis de reproduction des plants les plus vigoureux.  Une plante-mère donne ainsi des plantes (clones) identiques, qu'on plantera après quelques générations dans un vignoble.  Ainsi, en plantant des clones plus résistants (ainsi qu'en améliorant la conduite des vignobles) on pouvait éviter les crises de pénurie.  Cependant, les progrès des techniques agronomiques et les engrais et autres intrants chimiques introduits après la Seconde Guerre Mondiale ont tellement bien marché qu'aujourd'hui le problème est plutôt l'inverse: on est souvent dans des cas de surproduction.  En effet, la plupart des clones classiques ont été créés pour être vigoureux (résistants aux maladies) et productifs.  C'est pourquoi les meilleurs vignerons français préfèrent  procéder par sélection massale plutôt que clonale, ce qui permet d'avoir des vignes "sur-mesure" et adaptées à ses besoins.  La sélection massale, c'est lorsque un vigneron sélectionne les meilleures de ses vignes pour les reproduire et les replanter.  L'idée étant qu'on utilise des plants qui ont déjà prouvé qu'ils étaient adaptés au contexte des vignobles concernés: climat, hygrométrie, sols etc...  Cela permet de maintenir une certaine diversité génétique.  En revanche, les domaines de très grande taille, pour des questions de régularité, préfèrent utiliser des clones agréés, souvent au détriment de la diversité génétique de leurs vignes.  On accuse souvent les clones de rendre les produits trop standards.

Aux Etats-Unis, comme ailleurs dans les vignobles du Nouveau Monde, et comme le nom l'indique, la viticulture est née (enfin pas vraiment, mais disons "a connu son essor") avec les techniques agronomiques modernes.  Ils utilisent donc allègrement des clones développés pour leur contexte.  En Californie, l'université UC Davis est la spécialiste de toutes les questions de viticulture et en particulier des clones et a développé la plupart des clones que l'on utilise là-bas.  A tel point d'ailleurs que les Américains ont tendance à parler d'un clone particulier comme ayant des caractéristiques tellement développées que c'est presque un cépage à lui tout seul.  En effet, ce qu'on appelle Pinot Noir en France n'a rien à voir avec ce que l'on fait aux US.  Et les Américains peuvent dire autant qu'ils veulent qu'ils essaient de faire du Bourgogne rouge en Oregon ou Sonoma, ils ne pourront jamais le faire, car leurs clones n'ont rien à voir avec les clones français.  Je constate cependant, après ma réunion de ce matin, que le discours a changé un peu par rapport à il y a 5 ans, mon ami ne parle plus de "777 Clone" mais de "Proprietary clones", entendre "sélection massale".  Les vignerons américains chercheraient-ils donc maintenant à se démarquer et à rendre leur production plus unique?  Tant mieux, cette idée fait son chemin, c'est bien pour tout le monde.

Bref, désolé si je fais le méga-geek, mais la viticulture est éminemment complexe et il y a beaucoup d'aspects qui aboutissent au produit qui finit en bouteille, je me suis dit que je tenterais d'en expliquer un des aspects, et non des moindres...

Thursday 20 October 2011

C'est quoi un rendement à l'hectare?

La question du rendement à l'hectare est un des points sensibles de la viticulture moderne. Il est évident et on a prouvé empiriquement depuis très longtemps qu'un rendement faible donne plus de concentration au raisin et donc au vin (enfin, jusqu'à un certin niveau: ce n'est pas parce qu'on aura des rendements de 2 HL/Ha qu'on va produire le meilleur vin du monde...).  Malheureusement, on entend un peu tout et n'importe quoi en la  matière.  La base pour calculer le rendement à l'hectare est: hectolitres par hectare de vin produit.  En gros, on prend la quantité de vin produite pour une parcelle donnée et on divise par le nombre d'hectares de ladite parcelle.  L'INAO fixe des seuils à ne pas dépasser pour chaque appellation.  Cependant, aujourd'hui, la plupart des bons vignerons vous diront que ces seuils sont souvent excessifs.  Et en plus, des petits malins vous diront qu'ils font des faibles rendements, gages de qualité et d'une certaine abnégation (ben oui, on produit moins, donc on vend moins, juste parce qu'on veut vous faire des vins meilleurs), alors que la réalité est beaucoup plus complexe.  Je m'explique:

- d'une part, la densité à l'hectare joue beaucoup.  Typiquement, si vous plantez 10 000 pieds de vignes à l'hectare (une vigne tous les mètres, un mètre entre chaque rang de vignes) et que vous faites un rendement de 40HL/Ha, chaque vigne produit deux fois moins de raisin que si vous en avez 5 000 par hectare.  L'INAO fixe des densités de vignes minimales dans les décrets d'appellation, mais ces densités sont généralement faibles (4 à 5 000 pieds par hectare).   Cela est important si on considère qu'une vigne a besoin de "souffrir" pour donner le meilleur raisin.  Pour clarifier, sachez que la vigne est la plante la plus vigoureuse au monde.  Si vous lui donner du soleil et de l'eau, elle peut pousser (en feuillage) presque à l'infini.  Il exite d'ailleurs en Amazonie des pieds de vignes couvrant plusieurs hectares (je parle bien d'une seule vigne) et étouffant toute la végétation alentour.  Une vigne ne produit du raisin (son "organe reproducteur") que si elle se sent menacée.  Dans le cas où une vigne souffre, toute cette vigueur extraordinaire ira donc dans la production de raisin.  Mais pour cela, il faut vraiment mettre la vigne dans les pires conditions possibles: des sols pauvres, peu de pluie, aucun intrant, une grande concurrence entre vignes.  La vigne, elle, se débrouille très bien, tant qu'il ne fait pas trop froid trop longtemps.  Bref, tout ça pour dire que la densité à l'hectare va jouer sur la compétition entre les vignes pour leurs maigres ressources: plus les vignes sont denses, plus elles sont en "danger" de manque de ressources, plus elles se "battent" pour produire du raisin.

- ensuite, vous avez peut-être entendu parler de "vendanges en vert".  Cela consiste à débarrasser les vignes de grappes de raisins non mûries un mois ou deux avant la vendange pour "alléger" les vignes.  C'est une pratique courante dans certaines régions, mais elle mérite explication.  Au-delà de la densité en vignes d'un hectare, il compte de savoir combien produit chaque vigne.  Cela se mesure par le nombre des grappes de raisins (et au moment de la taille de la vigne, par le nombre d'yeux "francs", ou futurs bourgeons) par vigne.  Ce nombre se décide au moment de la taille hivernale: plus on laisse de branches et plus elles sont longues, plus il y aura d'yeux et donc de raisin par vigne au final.  Vous entendrez des vignerons vous dire que la vendange en vert permet de choisir les meilleures grappes pour que la vigne les favorise lors de leur maturation finale.  Comme si une vigne était capable de reporter l'énergie vitale qu'elle utilise pour produire 12 grappes sur 6 grappes restant après vendange en vert... En réalité, cela n'a jamais été prouvé et il est assez improbable que la concentration du raisin augmente avec une vendange en vert.  Comme j'ai l'esprit mal tourné, je dirais volontiers que ceux qui pratiquent ces vendanges en vert, sont a) des fainéants qui conduisent mal leurs vignes, laissant trop d'yeux et qui sont obliger de retirer des grappes pour éviter de dépasser les rendements max de l'appellation ou b) des gens qui ont peur de perdre du raisin à cause de la grêle ou autre gel tardif et qui font exprès de laisser trop d'yeux pour arriver à un rendement "acceptable": soit juste en dessous du max soit à un rendement qui fait genre on produit de la qualité.  

- enfin, les vendangeurs procèdent à des tris à la vigne, laissant tomber plus ou moins de raisin selon les exigences du vigneron et les vignerons les plus exigeants ont même des tables de tri qu'ils apportent avec eux dans le vignoble pour trier le raisin vendangé.  Cela réduit le rendement final et est plutôt souhaitable.

On voit bien que la notion de rendement est plus compliquée qu'une équation quantité de raisin / nombre d'hectares.  La prochaine fois qu'un vigneron ou représentant vous parlera de ses rendements bas, vous saurez leur poser les bonnes questions: oui mais, quelle est la densité de plantation des vignes?  Et procédez-vous à des vendanges en vert?  Au final, la seule façon de juger des pratiques d'un vigneron, c'est encore d'aller faire un tour dans ses vignes.  Les plus avertis pourront aller dès la fin de la taille, sinon, après la floraison ça marche très bien.  Si vous voyez que les vignes ont plusieurs douzaines d'yeux ou de "grappes", et que le vigneron vous dit qu'il fait 14 HL/Ha, c'est certainement qu'il y a  un loup quelque part...

La folie des verres

Ca me fait bien marrer de voir à quel point les verres pulullent.  On se retrouve des fois à table au restaurant avec 5 verres différents.  Merde, celui-là était le verre à eau, la honte! Il y a pratiquement un verre pour chaque type (supposé) de vin.  J'attends avec impatience la sortie du verre spécial "Verre Bourgueil jeune, mais pas trop léger, ayant entre trois et cinq ans de vieillissement".  Il manque cruellement à ma collec' celui-là.  Je soupçonne les verriers d'en faire un peu trop pour nous faire acheter tout et n'importe quoi.  Surtout, j'adore quand ils font des présentations du genre: "On a réuni tous les Meilleurs Sommeliers du Monde des 20 dernières années, Robert Parker, Thierry Desseauve, Jancis Robinson et Hugh Johnson et le président de l'INAO pour une dégustation à l'aveugle exceptionnelle et ils sont tous tombés d'accord que ce verre - le "Bourgogne blanc, plutôt Muersault que Chassagne, sans remuage, millésime frais et sec" - était le verre idéal pour boire un Meursault Perrières 2007 des Comtes Lafon."  C'est exactement ce qui va me décider à en acheter quelques  douzaines...

Ensuite, la multiplication des verres crée des situations assez embarrassantes pour notre cher stagiaire sommelier qui se plante de verre et se fait engueuler par le sommelier en charge. Les clients s'en foutent et n'avaient même pas remarqué, mais c'est pas ça le problème, c'est que c'est HYPER-important d'avoir 40 verres différents sur une table.

J'adore tout particulièrement les verres "techniques", qui sont complètement pas pratiques, ont des noms inprononçables et des designs anguleux, il n'y a rien qui me fasse moins envie de boire du vin...

Bref, si comme moi vous trouvez cela absurde, voici ce que je recommande: n'avoir qu'un seul verre pour tous les vins.  Et oui, c'est possible.  Le premier avantage c'est que la dégustation étant un exercice où il y a énormément d'aléas, c'est bien de pouvoir se dire que n'est pas parce qu'on a un verre différent que le vin goûte différemment.  Ensuite, au moins comme ça, vous n'aurez pas à décider quel verre il faut pour quel vin.  Bien évidemment, le poids, le design, le matériau et l'équilibre d'un verre sont aussi importants: un verre peut être très beau, si il n'est pas fonctionnel, ça ne sert à rien.

Ensuite, en termes d'utilisation, je conseille de toujours laver les verres à la main et de les sécher aussitôt avec un torchon propre (les pros le savent déjà, désolé pour eux de le répéter).  Avec les laves-vaisselle, l'eau calcaire et des cycles "séchage" de durée inconnue, ça peut craindre après un certain temps. Ensuite, à la main on a quand même moins de chances de casser les verres, en tout cas, après une petite formation au séchage et un peu de pratique. Enfin, une fois propres et secs, stocker les verres debout sur une étagère ouverte.  Surtout pas dans un palacard ou un buffet fermé.

Voilà en gros ce que j'ai à dire.  Pour ma part, le verre idéal de dégustation c'est ce verre-là:

Tuesday 18 October 2011

Connaissez-vous le Porto?

Petit hommage à Bruno Verjus dans le titre.

La vraie question serait plutôt: les Français connaissent-ils le Porto?  A en croire un de mes anciens boss, fin connaisseur du vin et du marché français, les Français ne boivent que des tawny et des ruby "sans intérêt".  Il est vrai qu'on voit rarement en France des Portos Vintage ou des vieilles Colheitas.  A l'occasion de la rencontre récente d'un importateur de Portos "indépendants" et d'une dégustation de sa gamme, le Porto est venu se rappeler à mon bon souvenir.  Petit tour d'horizon:

Pour ceux qui savent déjà comment on fait du Porto, passer au prochain paragraphe. Pour les autres, lire attentivement.  Le Porto est un vin muté, qu'il soit rouge ou (beaucoup plus rarement) blanc.  Le mutage (non, pas la mutation) est une opération qui consiste à rajouter de l'alcool neutre (généralement fait avec du raisin, quand même), dans un vin en fermentation pour stopper la fermentation.  Les raisons historiques de ce procédé tiennent essentiellement à une stabilité accrue du vin après mutage.  Bref, il faut savoir que les levures qui transforment le sucre contenu dans le raisin en alcool (et en CO2) ne supportent pas une concentration en alcool trop élevée, généralement pas plus de 14 ou 15%.  C'est pourquoi, un jus de raisin dont le brix (concentration en sucre, traduite en potentiel alcoolique) est supérieur à 15, donnera un vin sucré, car les levures meurent avant d'avoir consommé tout le sucre et il reste donc du sucre résiduel dans le produit final.  C'est aussi pour ça que si on ajoute de l'alcool à un vin qui fermente et donc qu'on augmente la concentration en alcool au-dessus du seuil de 15% (ce seuil dépend évidemment du type de levures, des conditions climatiques et de tas d'autres facteurs, mais on va prendre ce chiffre pour faire simple), les levures meurent, et le vin résultant contiendra aussi du sucre.  On ne parle pas ici de sucre "résiduel".  Bref, le principe de base est le même pour tous les Portos: ce sont des vins mutés.  En France on appelle ça, honteusement, un "Vin Doux Naturel", ce qui est impropre et volontairement trompeur, car il n'y a rien de naturel dans le fait de muter le vin.  Un Alsace Vendanges Tardives, un Coteaux du Layon ou un Sauternes sont beaucoup plus "naturellement doux"...

Noter quand même que la production du Porto est en fait assez similaire à la production de Champagne.  Je veux dire par là, que pour des raisons de régularité dans des conditions climatiques extrêmes (froid en Champagne, chaud dans la vallée du Douro, où se trouvent les vignes du Porto), la plupart des vins embouteillés est un assemblage de millésimes.  Pour diverse raisons économiques (car il faut avoir les reins solides pour supporter d'avoir la majorité de sa production immobilisée pendant plusieurs années), cela favorise aussi la répartition du type: très grande concentration de la production de vin entre les mains de quelques très gros négociants et très grande multitude de petits vignerons qui fournissent du raisin aux négociants.  Et comme en Champagne, avec l'essor ces dernières années des vins "de vignerons", ou en termes techniques de "récoltants manipulants" (merci l'administration française), il est passionant de voir l'essor des Portos de vignerons, ou, comme ils disent là-bas, de "quinta".  Comme en Champagne, beaucoup de familles qui fournissent du raisin depuis des générations aux négociants, ont aussi une petite production familiale, qui est aujourd'hui beaucoup plus valorisée.

Après, ce qui va faire la différence entre les différentes catégories de Porto, c'est l'élevage.  Voici les principales catégories:
- Le Tawny: c'est un vin élevé pendant une très longue période dans des foudres (très grands fûts).  Généralement, ce ne sont pas les vins de la plus grande qualité qui vont être mis en foudres pour devenir des Tawnys... Une oxydation lente s'opère et le vin final est totalement oxydatif.  Il peut y avoir une mention d'âge sur l'étiquette.  Cela est en fait une moyenne d'âge des vins assemblés pour cet embouteillage particulier.  Par exemple, un Tawny 40 ans d'âge peut très bien être un assemblage de vins de 20 ans et de 60 ans à proportions égales.  Quand il n'y a pas de mention d'âge, il s'agit de vins très jeunes et donc moins complexes.

- Le Vintage: comme en Champagne, certains millésimes "exceptionnels" ont droit à une "déclaration de millésime", c'est-à-dire que les producteurs ont le droit de faire du vin de ce millésime exclusivement.  Pour la petite histoire, un producteur qui estime que sa production ou une partie de sa production une année non-déclarée en vaut la peine, a un recours et peut demander une déclaration personnelle, ce que ne peuvent pas faire les Champenois.  Merci qui?  Ensuite, les Vintage sont vieillis dans des petits fûts pendant une ou deux années, comme un vin normal quoi.  Ces vins sont les plus prisés des amateurs de Porto et ressemblent le plus à des vins rouges normaux.  Je dis souvent que les gros rouges de la Napa Valley et (malheureusement) de l'Oregon, à la fois très tanniques et avec beaucoup de sucre résiduel, peuvent ressembler à des portos.  C'est de ce type de Porto que je parle en disant cela.  Bien sûr la structure n'est pas la même, en particulier l'intégration de l'alcool, mais bon, vous voyez où je veux en venir: le Porto Vintage, c'est un gros rouge avec du sucre.  Cela étant, c'est parmi les vintage qu'on trouvera les expressions les plus intéressantes et les plus typées.  Ce qui ne cesse de me fasciner, c'est comment certains portos vintages peuvent avoir autant de fraîcheur et de vivacité, alors que tout semblerait indiquer exactement le contraire.

- Les LBV (late-bottled vintage) ou Colheitas: Ce sont des vins destinés à l'origine à être des tawnys, mais qui ont finalement été embouteillés en mono-millésime, après un élevage extensif et oxydatif donc.  En réalité, les producteurs de Porto savent très bien ce qui va devenir un LBV et d'ailleurs utilisent généralement pour cette production des fûts moins grands que les Tawnys classiques.  Dans le pire des cas, si le fût ne donne pas satisfaction, il peuvent toujours le transvaser dans un contenant plus grand de tawny.  Cette catégorie pour moi est la plus intéressante en termes de rapport qualité-prix et on peut encore trouver des vraies pépites des années 60 à moins de 150€, ce qui est cher, je sais, mais pas vraiment quand on considère l'âge...  Le LBV est à mi-chemin entre le Tawny et le Vintage, oxydatif, comme je disais, mais avec les caractéristiques propres d'un millésime.  La production varie beaucoup, mais peut donner lieu à des flacons vraiment exceptionnels.

Voilà en gros et en pas trop long le porto.  J'ai sciemment évité de parler de terroirs ou de cépages, n'importe quel site internet peut mieux vous renseigner que moi.  Je trouve dommage que l'on ne boive pas plus de vrai porto en France.  Il se prête pourtant très bien à la table, demandez aux Anglais quel est le meilleur vin pour boire avec des fromages bleus...  Un truc que je n'ai jamais vraiment compris, c'est la décantation du Porto, en particulier le vintage.  A chaque fois que j'ai été invité à une dégustation de porto, le vin avait été décanté avant que je n'arrive.  Je crois comprendre qu'il est préférable de décanter un porto vintage et je pense que la plupart du temps, il s'agit de double-décantation: en gros on verse dans une carafe (avec peut-être une petite filtration au passage) et ensuite on reverse dans la bouteille d'origine.  Bref, j'aime bien ce petit côté mystérieux.

Ensuite, donc, comme je disais, si vous voulez vous intéresser au Porto, il est préférable d'étudier les Vintage, les LBV ou les très vieux Tawnys.  Ensuite, si le Porto est en grande distribution, évitez d'en acheter, surtout les marques qui finissent en < 's >.  Ces vins-là sont tout juste bons à déglacer les sucs au fond de votre poêle pour construire votre sauce.  Les vins de vignerons, ou de quinta, sont à mon avis les plus intéressants.  Si la marque du vin s'appelle Quinta do ou Quinta da machin-bidule, c'est bon.  Attention cependant, car les gros négociants, sentant l'intérêt pour les portos de quinta, se sont mis à embouteiller des vins "single-quinta".  Evitez aussi, c'est souvent du pipeau sans intérêt.  Après, on a un vrai problème en France: où trouver des vrais bons Portos?  Je suis désolé, mais je ne sais pas, j'ai toujours bu du porto à l'étranger.  Certains bons cavistes parisiens doivent en avoir, je pense qu'il doit y en avoir un peu plus dans le Sud-Ouest, par proximité géographique, mais à part ça, je ne sais pas trop.  Sinon, faites vos bagages et consommez-en à Londres, New York ou Porto... Comme dirait le Guide Michelin, ça en vaut le détour.

Monday 17 October 2011

Le vin, c'est comme la bière.

Ah la capsule d'une bouteille de vin! Vous avez peut-être entendu parler de ou même eu entre les mains une très vieille bouteille de Bordeaux ou de Bourgogne avec une capsule en ferraille épaisse, genre rouleau d'étain épais.  Ces capsules-là étaient un peu l'équivalent de la ceinture de chasteté médiévale. Elles ont été progressivement abandonnées pour des alternatives moins couteuses.  Il y a aussi eu des bruits qui disaient que ces capsules contenaient du plomb et pouvaient donc causer le saturnisme.  On imagine bien la quantité de vin avec la capsule mal coupée qu'il fallait boire pour en être atteint de cette façon...

Avec la généralisation de la bouteille et surtout de la taxation de l'alcool et des appellations, on a créé ce qui s'appelle la "capsule congé", qui certifie que les droits ont été payés sur ledit vin.  En France, ça ressemble à une petite pastille ronde collée sur le dessus de la bouteille, avec une Marianne et un code couleur selon le type d'appellation: le vert, c'est une AOC, le bleu c'est un VDP (il me semble en tout cas, désolé si je me suis planté, là où je suis, je ne peux pas exactement aller à la supérette vérifier).  Bref tout ça pour dire qu'aujourd'hui, le seul intérêt de la capsule d'une bouteille de vin, c'est de porter la capsule congé.   Chaque pays a sa façon de faire, en Italie, par exemple, il y a un petit bandeau de papier recouvrant le dessus de la bouteille et qui porte les mentions officielles.  Bref, c'est assez pittoresque et très utilitariste.

Bien entendu, de peur que vous soyez atteint de saturnisme (on ne sait jamais!), on vous a bien appris à couper la capsule comme ça:

Surtout pas comme ça:

Tout ça est très beau et ça me fait toujours bien marrer de voir un pauvre stagiaire sommelier tout tremblotant qui lutte pour couper proprement sa capsule.  En attendant, je trouve les capsules assez moches et inutiles (une fois que le vin a été acheté et les droits acquittés, s'entend).  La plupart du temps, les capsules n'ont aucun rapport en termes de design ou de code couleur avec le reste de la bouteille ou l'étiquette du vin.  Donc, il me semble plus approprié de retirer carrément la capsule.  Ben oui! Euréka! Comme ça, on ne risque pas de couper la capsule de travers, ni d'attraper le saturnisme, ni d'avoir une capsule toute moche qui ne sert à rien.

Comme quoi, le vin c'est comme la bière, ça se décapsule.

Nul n'est prophète en son pays

Le système d’appellation français a été créé avec les meilleures intentions du monde.  En effet, dans les années 30, le but des appellations est de créer un système de contrôle de qualité, d’une part pour éviter la fraude généralisée (on « réhausse » souvent des vins de Bourgogne ou du Beaujolais avec des vins de Languedoc, de même avec les vins de Bordeaux auxquels on « ajoute » sciemment des vins d’Algérie) et d’autre part pour rendre officielle la provenance d’un vin comme étant gage de qualité.  Si depuis des siècles, les vins de Pauillac ou de Vosne sont réputés dans le monde entier, il n’existe pas encore de « traçabilité » des vins ou de garantie de provenance.  Le système d’appellation d’origine contrôlée est sensé y remédier en créant des codes pratiques (cahiers des charges, à respecter strictement), des indications géographiques (aires d’appellation) et un « goût standard » d’appellation, à travers les dégustations d’agrémentation (nous en reparlerons).  Mais comme on dit si bien, les routes de l'Enfer sont pavées de bonnes intentions. Aujourd’hui, de nombreux vignerons de très grande qualité ne se retrouvent plus dans le système d’appellation.  En voici quelques exemples :

En 1992, Laurent Vaillé a acheté quelques parcelles à Aniane, en Roussillon.  En plus des quelques hectares de Syrah et de Mourvèdre, Laurent plante du Cabernet Sauvignon.  Grâce à des pratiques viticoles très rigoureuses et un talent indéniable, ses premiers embouteillages attirent rapidement les amateurs éclairés et sommeliers.  Aujourd’hui ses vins sont parmi les plus côtés de Languedoc-Roussillon et très recherchés.  Le problème ?  Puisque il utilise du Cabernet Sauvignon (minoritaire) dans ses assemblages, son vin n’a pas le droit à la sacro-sainte AOC, étant classé en VDP de l’Hérault. Cela vous paraît ahurissant qu’un des vins les plus réputés du Roussillon n’ait pas droit à une AOC ?

A la fin des années 70, Eloi Dürrbach, plante en aire d’appellation Baux-de-Provence un vignoble avec un cépage traditionnel, la Syrah, et un moins traditionnel, le Cabernet Sauvignon (encore…).  Tout comme Laurent Vaillé, ses vins ont rapidement acquis une réputation bien supérieure  à celles des vins de l’Appellation et aujourd’hui se vendent beaucoup mieux et plus chers que ceux de ses confrères et voisins.  Pourtant, à cause de l’utilisation du Cabernet, le Domaine de Trévallon n’a toujours pas droit à l’appellation Baux-de-Provence, mais à un VDP départemental « des Bouches du Rhône ».

Toujours sur ces questions de cépage : Jean-Michel Deiss a repris au début des années 80 le domaine familial à Bergheim, en Alsace.  Ce poète, vigneron intransigeant, amoureux de ses terres et de ses vignes se passionne aussi pour l’histoire de la viticulture alsacienne.  Il remet au goût du jour une pratique ancienne de complantation des vignobles.  En effet, la plantation en mono-cépage est une pratique très récente en Alsace, née du système d’appellation qui exige que le cépage soit mentionné sur l’étiquette.  Jean-Michel Deiss choisit lui de replanter ses vignobles avec tous les cépages autorisés, de façon certes libre mais pas désorganisée.  La pratique consiste à remplacer une vigne arrachée par un cépage systématiquement différent.  L’expérience est passionnante et prouve que le terroir prime sur le cépage, car il constate qu’après quelques années, des vignes de pinot gris, de riesling ou de gewürztraminer finissent par mûrir au même rythme et avoir des profils aromatiques indissociables.  Les vins en outre sont parmi les meilleurs d’Alsace, équilibrés, complexes, expressifs de leur terroir.  Mais bien entendu l’INAO veille et les voisins jaloux de Jean-Michel Deiss aussi certainement.  Le verdict ne tarde pas à tomber : les vins classés en premier ou grand cru sont déclassés en AOC Alsace générale.

En 1990, Didier Dagueneau, vigneron culte de Pouilly-Fumé, le meilleur de très loin de l’appellation, se voit dégrader une partie de sa production en VDP à la dégustation d’agrémentation de l’AOC.  Parce que l’été indien a été particulièrement long cette année, Didier a décidé de ne pas forcer les choses et a laissé sur-mûrir certaines de ses parcelles.  Résultat, les vins sont légèrement moëlleux pour ce millésime, et la dégustation d’agrémentation décide que ces vins sont impropres à porter la mention Pouilly-Fumé et doivent être étiquetés en VDP.  Didier n’étant pas du tout rancunier, il a l’année suivant tenté une expérience. Comme tous les ans, ses vendangeurs font « tomber » beaucoup de raisin, c’est-à-dire qu’un premier tri se fait à la vigne, les raisins ayant un aspect flétri et pas assez mûr sont laissés sur le sol, entre les rangs de vignes.  Mais en 1991, Didier Dgueneau fait faire à ses vendangeurs un second passage dans ses vignes pour ramasser tout le raisin « tombé », qu’il a ensuite vinifié séparément et dont le vin résultant à été soumis à la dégustation d’agrémentation.  Et les « experts » de l’appellation ont jugé ce vin suffisamment bon pour avoir droit à l’AOC Pouilly-Fumé.  La cuvée a été embouteillée avec le nom moqueur de « Quintessence de mes Roustons » par Didier, et même si il ne l’a jamais vendue, c’était pour lui un joli pied de nez au syndicat d’appellation et à leurs dégustations d’agrémentation. 

Un épisode similaire est arrivé au Clos Rougeard en 1989.  Leurs vinifications traditionnelles avec levures endogènes sont beaucoup plus longues que les autres domaines de l’appellation Saumur-Champigny.  Mais la dégustation d’agrémentation est à la même date pour toute l’appellation, donc tous les vignerons doivent soumettre leurs échantillons à la même date.  Le résultat cette année est que les frères Foucault sont obligés de soumettre des échantillons de vins qui sont en pleine fermentation.  Forcément, les vins sont loin d’être aboutis et le résultat tombe inévitablement : pas d’AOC cette année-là.  Si vous avez un jour eu la chance de goûter des Clos Rougeard de 1989, vous savez que ce sont des vins largement au-dessus de la qualité moyenne de l’appellation…

Ces exemples sont pour moi les plus parlants, car ils concernent des vignerons dont les pratiques viticoles et les vins sont irréprochables et loués dans le monde entier (enfin, surtout en France…).  Il existe bien entendu des myriades d’exemples similaires mais une chose est sûre : les meilleurs vignerons de France s’accordent pour dire que l’INAO n’est plus un garant de qualité, plutôt un syndicat des médiocres qui essaient de mettre des bâtons dans les roues des plus talentueux et des meilleurs.  Par jalousie souvent, par égoïsme peut-être, par manque de vision certainement.  Les deux problèmes centraux sont le manque de souplesse des règles d’appellation (alors même qu’elles ne sont plus du tout à hauteur d’une pratique exigeante de la viticulture et de la vinification) et la mainmise des syndicats d’appellation sur les dégustations d’agrémentation.

Sunday 16 October 2011

Les Français ne savent pas se promouvoir.

En février 2006, salons du Puck Building à Manhattan, New York : la profession est invitée à déguster 100 vins ayant reçu les « Tre Bicchieri » du guide Gambero Rosso.  La dégustation est informelle, on passe de table en table pour goûter les 100 « meilleurs » vins de l’année. Il y en a de toutes les régions italiennes, des blancs, des rouges, des pétillants, des moëlleux, des moins chers, des très chers, bref, tout le meilleur de ce qui se produit en Italie se trouve au même endroit pour faire goûter leurs vins. Les producteurs font tous le déplacement, les rencontres sont passionnantes et les vins tout autant. 

Présent à la dégustation, je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’on ne verrait jamais des producteurs français, par exemple les 3 étoiles du guide Bettane & Desseauve, se déplacer en masse pour promouvoir leurs vins ensemble.  Les Italiens ont bien compris qu’ils doivent se serrer les coudes et parler d’une seule voix pour faire progresser la connaissance (et la consommation) de vins italiens.  En termes techniques, on appelle ça promouvoir une catégorie pour que tout le monde en bénéficie.  Même les plus fortes parmi les associations françaises en termes de communication, comme l’Union des Grands Crus de Bordeaux, sont incapables de faire mieux qu’un dîner de gala de temps en temps.  Ils ne savent parler que du "prestige" et de l'histoire ou de la "tradition" à des clients fortunés et pas aux professionnels, qui sont pourtant leurs meilleurs représentants.  Je me souviens d'une discussion avec le Président de l'Union des Grands Crus de Bordeaux, il y a quelques années.  Une personne pour qui j'ai beaucoup de respect.  Pourtant, il m'a beaucoup surpris en me disant que les gens ne pouvaient de toute façon pas vraiment boire leurs vins, car ils n'étaient pas prêts à les faire vieillir comme il faut.    Donc, en gros, les Bordelais préfèrent se tirer littéralement une balle dans le pied, plutôt que de faire des vins plus accessibles.  En attendant, les dégustations des Tre Bicchieri se multiplient dans le monde, et en particulier en Asie, première édition à Singapour en Octobre 2011…  Les Espagnols aussi ont bien compris l’intérêt de se promouvoir en groupe et des dégustations ont lieu un peu partout indépendamment des importateurs des uns et des autres.  Le plus proche pour des producteurs français serait un importateur spécialisé qui déciderait de promouvoir l’ensemble de son portefeuille de vins français.  Il faut dire que les producteurs français ont un gros défaut quand il s’agit de promouvoir leurs produits : la barrière de la langue.  L’accent franchouillard et le manque de vocabulaire n’amusent malheureusement plus personne et les français manquent singulièrement à l’appel en la matière, au contraire de leurs confrères italiens ou espagnols, qui parlent tous anglais au minimum.  Il est vrai qu’en France, être vigneron reste une activité très agricole et rurale, on ne respecte pas un vigneron qui n’a pas les ongles sales, mais malheureusement, cela n’aide pas à l’export. 

A leur corps défendant,  les vignerons français ont une image difficile d’accès et seul un passionné totalement dévoué à leur cause oserait aller chercher les bons vins français pour les promouvoir en-dehors France.  Être importateur de bons vins français est un parcours du combattant, il faut parler français, avoir des introductions, convaincre les uns et les autres, accepter les aléas des « allocations » changeantes et j’en passe.  Je ne parlerais même pas du fait que la plupart des exploitations viticoles en France n’ont pas de centre d’accueil et personne qui parle anglais.  Les brochures des vignerons français, quand elles sont traduites en Anglais, sont risibles par leur niveau de langue extrêmement limité.  On ne voit jamais cela venant de producteurs italiens ou espagnols. Tous les importateurs spécialisés en vins français que je connais de part le monde sont soit des français soit des étrangers passionnés de France (oui, ça existe encore !) et qui parlent français…  Il existe pourtant de très bons importateurs de vins français, aux Etats-Unis et ailleurs.  On peut citer Kermit Lynch, à Berkeley, le précurseur.  Ou encore Neal Rosenthal ou Joe Dressner, plus intéressants certainement.  Mais ces importateurs ne s’intéressent pas à la promotion de la catégorie « bons vins français » dans son ensemble, car ils sont trop occupés à se faire la guerre pour récupérer les droits de l’un ou l’autre des domaines.

Donc, absence d’esprit de corps et de communication commune et absence de communication tout court font qu’aujourd’hui les vins français sont totalement inconnus (je parle des vins intéressants) aux Etats-Unis, alors que tous les producteurs les plus pointus en Italie et en Espagne sont très bien représentés, reconnus et recherchés.  Ce tableau peut paraître un peu sombre, mais moi qui ai un intérêt prononcé pour les vins, je suis obligé d’aller en France faire mon marché, car il est impossible de trouver les vins à la pointe en dehors de nos frontières.  Au-delà de l’idée que l’on consomme toujours les meilleurs vins là où ils sont produits, cela est beaucoup plus vrai pour les vins français que pour les vins italiens et espagnols.

En Chine ou ailleurs en Asie, le constat est malheureusement le même.  Les Grands Crus Bordelais, les Champagne et quelques vins de Bourgogne jouissent d’une aura qui peut paraître éternelle, mais il n’y a rien qui se rapproche d’une dégustation des Tre Bicchieri français.  Quelques producteurs Bordelais comme Paul Pontalier du Château Margaux ou Champenois comme Didier Depond de Delamotte-Salon font régulièrement des apparitions à des dîners de gala, mais il n’y a rien de systématique ni de coordonné.  Même si les Chinois sont très loyaux aux marques et peu enclins aux nouveautés, les italiens et les espagnols font le travail ingrat de terrain en attendant que ces marchés se réveillent.  Les français, eux, ont toujours cette attitude attentiste et sur d’eux-mêmes : si les gens nous veulent, ils peuvent venir nous chercher.

Bien sûr chaque région viticole française a son histoire, ses mouvements, ses innovateurs et ses écueils.   Mais force est de constater qu’aujourd’hui le dynamisme vient plus de Loire ou du Beaujolais ou du Languedoc-Roussillon, que du Bordelais.  Et ce sont précisément ces régions qui sont les moins bien représentées à l’étranger et qui bénéficieraient le plus d’une meilleure promotion.  Ces vins ont des histoires incroyables à raconter et parlent le langage de leurs terres et je trouve dommage que ces histoires soient réservées aux Français.  D’autant plus qu’en attendant, les vins moins intéressants de France donnent une mauvaise image qui nuira certainement à l’ensemble de la profession.  Pour la petite histoire, les meilleurs producteurs de vins français sont capables de parler d’une seule voix, de promouvoir des pratiques viticoles et des valeurs ensemble.  Du moins, ils ont été capable de le faire un tout petit peu : cela s’appelait l’Union de Gens de Métier.  Créée par Marc Keydenweiss, Didier Dagueneau et Anselme Selosse, l’UGM avait pour mission de promouvoir les vins de qualité de toutes les régions viticoles françaises.  Y ont appartenu Charly et Nady Foucault, Marie-Pierre Chermette, Philippe Charlopin, John Cochran, Christophe Roumier et bien d’autres, innovateurs, vignerons de passion et de qualité.  L’UGM a dû être fondée vers 2002-2003, en tout cas, il y a eu une dégustation mémorable au Bristol fin 2003.  Pour ma part c’était la dégustation la plus pointue que j’aie connu et je rêve toujours de re-créer l’UGM et de faire une tournée mondiale.  C’est exactement ce genre de mouvement, mené par les meilleurs et les plus talentueux vignerons de France qu’il faut promouvoir.  Malheureusement, l’UGM a totalement disparu et ne réapparaîtra certainement pas. Tant pis pour l'image de la viticulture française, elle restera ce qu'elle est...

En ordre de bataille

Un restaurant pendant un service, c'est comme une armée en guerre:
- La cuisine, c'est la Marine, dotée d'une fière et ancienne tradition et souvent coupée du monde.
- La salle, c'est l'Armée de Terre, celle qui fait tout le boulot ingrat et qui se prend toute la mitraille.
- La sommellerie, c'est l'Armée de l'Air, celle qui a tous les beaux jouets et dont les autres sont jaloux.

Saturday 15 October 2011

Les commentaires de dégust'

Ca me fait toujours bien marrer quand je lis des commentaires de dégustation.  J'ai envie de dire à tous les écrivains de commentaires de dégustation: on s'en fout!  Ce n'est pas parce que vous avez senti de la violette ou de la noix de cajou que quiconque sentira la même chose. Et qui plus est, comment est-ce que cela est sensé orienter mon choix?  Bon, je comprends que ça aide beaucoup à remplir des pages, mais franchement, vous ne trouvez pas que ça ressemble à une capitulation intellectuelle d'écrire des commentaires de dégustation?

Ensuite, j'ai pu établir une typologie des commentaires de dégsutation, sans ordre d'(in)utilité:

- Les commentaires dithyrambiques, du genre:
NEZ: Les arômes sont puissants et embaumants.  C'est le paradis dans un verre!
BOUCHE: Quel complexité!  On passe tour à tour de l'eau de rose au caramel au beurre salé, aux  marrons cuits; le tout avec des tannins d'un velouté extraordinaire!
FINALE: On touche au sublime!  Ou encore (j'adore): N'en finit pas de finir!
Généralement, ces commentaires concernent des vins super-attendus et chers. Plus il y a de points d'exclamation, plus je me marre. On passe...

- Les commentaires poétiques:
NEZ: Les poètes de la Pléïade réunis ne sauraient décrire l'ineffable beauté de ces arômes envoûtants.
BOUCHE: Ethérée, presque invisible, on touche ici à l'essence du vin, dans toute sa divine splendeur.
FINALE: Beaudelaire disait que le vin est à la vie, ce que le sel est à l'océan, ô immensité des eaux, mère nourricière, où donc es-tu si ce n'est dans ce flacon?
C'est donc que je fais de la prose sans le savoir?

- Les commentaires / inventaires de Prévert:
NEZ: noix, pivoines, abricots secs, cerises de Montmorency, puis s'ouvre sur des notes très terreuses de humus, sous-bois, champignons d'été pour finir sur des notes suaves de cassis mûr, de bouquet garni, de vieux cuir, de noix de macadamia, de graines de lin, d'orange confite, de figues sèches et j'en passe!
BOUCHE: Un panier de fruits: groseilles, fraises, framboises, cerises, orange,banane, pomme verte, mangue, noix de coco, et d'épices, canelle, muscade, poivre noir, cardamome, vanille, le tout enveloppé dans des tannins longs, fins, souples, voluptueux, tendres.
FINALE: A la fois longue et éphémère, forte mais diminuant progressivement, on reste sur des arômes tertiaires de sous-bois, de vieux cuir, légèrement foxé, porridge, salin et doux à la fois.
Rien à rajouter...

- Les commentaires techniques:
NEZ: On sent bien le sliex de ce terroir bien drainé et la fraîcheur des nuits et de ses vents de Nord, rafraîchissant le vignoble la nuit.
BOUCHE: Avec des fermentations longues, un élevage en fûts à 60% neuf, chauffe M+, deux soutirages (un à 6 mois en fûts, un avant mise en bouteille), la bouche présente un boisé fin et une texture ample.
FINALE: On comprend bien ici que l'assemblage fait la part belle au Grenache, avec une finale épicée avec toutefois une fraîcheur caractéristique des vieilles vignes de Mouvèdre. Caudalies: 26.5
Si c'est une fiche technique, ce n'est pas un commentaire de degustation... Pour ceux qui n'ont pas de Bac+7 en oenologie, s'abstenir.

- Les commentaires épicerie de luxe:
NEZ: un petit côté salin qui n'est pas sans rappeler le caviar osciètre, les amandes de Marcona et la truffe blanche d'Alba.
BOUCHE: un côté viandé, très Pata Negra, la suavité d'une huile d'olive de Nyons, des notes de canelle de Ceylan
FINALE: que du noble, du beau et du suave, finale très délicate mais présente avec des notes de safran du Quercy.

- Les commentaires laconiques:
NEZ: propre
BOUCHE: équilibrée, belle fraîcheur
FINALE: Bien, propre, fraîche
On dirait mes notes de dégustations retranscrites ;-)

Bref, tout ça pour dire que ces commentaires ne m'intéressent jamais, mais n'ont de cesse de me fasciner, tant je les trouve barbants.  Que quelqu'un veuille faire part de ses commentaires par écrit me dépasse complètement.  Cela est loin cependant de m'énerver autant que quand les commentateurs se sentent obligés de donner une note au vin: "J'hésitais entre un 86 et un 86,5, du coup j'ai coupé la poire en deux et mis un 86,25 généreux à ce vin."  Pfff, quelle connerie.  Le problème des notes, c'est que les commentateurs, une fois qu'ils commencent, se sentent obligés de continuer et se retrouvent prisonniers de leur système de notation.  En plus, je ne veux pas dire, mais on ne peut pas être 100% objectif en goûtant une fois un vin dans un contexte donné, et il faut admettre ça propre faillibilité en la matière. Et la plupart des commentateurs-noteurs se pensent infaillibles.  C'est un exercice futile parmi tous à mon avis.

Par exemple, il y a quelques semaines, j'ai invité un blogueur du whisky à une dégustation de single malt que j'organisais (je sais, ce n'est pas du vin, mais les ressorts sont exactement les mêmes).  Le propriétaire d'une distillerie très intéressante était là.  Beau projet, belle histoire, produits intéressants, moi ça m'a plu.  Je suis allé voir ledit blogueur à la fin de la dégustation pour lui demander comment il avait trouvé la dégustation et tout ce qu'il a eu à me dire c'était: "Honnêtement, les whiskies sont encore trop jeune pour que je puisse leur donner plus de 85-87".  Quel connard, CE N'EST PAS CE QUE JE TE DEMANDAIS!
Bref, les mecs qui mettent des notes à des vins (ou à toute autre boisson) ça me fait bien marrer aussi.  A bon entendeur...

Thursday 13 October 2011

Volpaia Chianti Classico @ Osteria Mozza

Je suis allé à un "wine dinner" pour découvrir les Chianti Classico de Volpaia avant-hier, à Osteria Mozza au Marina Bay Sands.  Le dîner était animé par Federica Mascherano Stianti, qui était présentée comme "winemaker".  Bon, en fait, Federica fait partie de la famille propriétaire de Volpaia, mais ne "fait" pas vraiment (pas du tout) le vin.  Ce n'est pas bien grave, on a bien mangé et bien bu...  Il s'avère en fait que le vin est "designé" par un constulant, Riccardo Cottarella, que je connais très bien, pour avoir vendu de nombreux de ses vins dans un job passé.  Bref, c'est bien beau la famille, l'histoire et les beaux paysages, mais en réalité, le vin est un produit standard fabriqué par un "flying winemaker"! Federica s'est bien gardée de nous en faire part pendant le dîner...

Donc, on a goûté en apéro un blanc de Maremma, à base de Vermentino (connu sous le nom de Rolle en Provence), puis 4 différents rouges, de 2008 à 1998, trois en AOCG (équivalent de l'AOC française) et un en IGT (équivalent VDP français).  Je ne commenterai pas sur les vins ni sur les accords, même si un accord avec le AOCG 2001 et des tortellini au foie de volaille était très réussi.

Ce qui m'a frappé, par rapport à des dîners de vignerons français auxquels j'ai pu participer, c'est d'abord que Federica est très avenante et élégante. Elle est arrivée à 2h du matin la nuit précédente et a l'air en forme.  Elle parle un anglais presque parfait, elle connait assez bien les termes techniques du vin en anglais et s'exprime avec aise.  Ca change du "zis is euh raide wineu, made wiz euh Cabernet Sauvignon ande Syrah" qu'on entendrait d'un vigneron français.  Toujours côté présentation, Federica nous fait passer des petites brochures du domaine, sur un papier cartonné, type velin, agrémenté de jolies photos et bien traduit en Anglais.  Encore une fois, on est loin des dépliants kitsch de certains vignerons français parmi les plus connus....

Dernier point et non des moindres, les préférences de nos convives.  L'assistance du dîner était environ moitié-moitié locaux et "caucasiens" (entendez blancs: australiens, américains, français dans ce cas).  Et après un rapide tour de table, tout le monde donnait haut la main la palme à un "single-vineyard" (désolé, j'ai oublié le nom, je ne prends pas de notes et promis pour la suite, je prendrai des photos) millésimé 1998.  Ce vin était nettement plus évolué que les autres, même le 2001.  La couleur était très évoluée (rouge-brique très clair, vs. le rouge-violet soutenu des autres vins), les tanins complètement fondus et les arômes très tertiaires.  Ca sentait le sous-bois, le cuir etc. Bref, ce qu'on peut parfaitement attendre d'un vin rouge d'un certain âge.  Je trouve intéressant que ce soit ce type de vin qui plaise à tout le monde, car pour ma part, je l'ai trouvé d'un banal confinant à la nullité.  Ben oui c'est vieux, et alors?! J'en viens à me demander si la réaction des gens aux vins vieux n'est pas préformatée: en gros on a goûté un vin vieux une fois et on s'est souvenu que ce goût du vieux est bon, car rare et cher.   Bon, d'accord, un vin qui vieillit bien c'est rare, mais comme je dis souvent, un vin qui vieillit bien doit forcément être bon quand il est jeune et si il est bon jeune, pourquoi ne pas le boire tout de suite?  Ensuite, je trouve dommage que les vins rouges vieux se ressemblent tous.  A le sentir, je ne sais pas si il s'agit d'un vieux Médoc, d'un Chianti ou d'un Napa Valley.  A supposer qu'il avait une typicité jeune, il l'a complètement perdue au fil des ans.  J'irai même jusqu'à dire qu'après un certain temps tout se ressemble.  En sortant faire un tour (bon d'accord, fumer une clope), j'ai croisé un de mes amis sommelier,qui est pour moi un des plus balaises du coin, tout en restant humble et en ne se prenant pas trop au sérieux,  et j'aime bien discuter de vins de façon informelle avec lui.  Bref, je lui demande ce qu'il pense de ma théorie sur les vins rouges vieux et il est d'accord.  Il me dit qu'à part quelques rares exemples (Lafite-Rothschild?) les vins rouges vieux sont impossibles à différencier et que lui aussi ça le fait chier.  De plus, un vin vieux en vaut la peine, justement quand il paraît plus jeune que son âge.  C'est la fraîcheur et le dynamisme d'un vin de plusieurs décennies qui me surprend et me plaît, pas le fait que le vin ait  l'air "vieux", voire fatigué. Tout ça pour dire que  les locaux et les caucasiens, avec leurs références variées et leurs approches très différentes du goût s'accordent pour dire que le vin "vieux" (et qui en a tous les atouts) est le meilleur.  Il doit certainement y avoir un explication.

Les vins de Volpaia sont loins de m'avoir impressionnés, mais ça fait toujours plaisir de rencontrer des gens mus par un intérêt pour le vin.  On entend toujours des histoires différentes, on raconte nos meilleures expériences de vins ou de restaurants, on échange des bonnes adresses.  Notez quand même qu'il n'y avait que des particuliers à ce dîner, pas des professionnels, sans quoi, ça aurait certainement été une autre paire de manches.

Ah oui, j'ai failli oublier, des petits liens:

Introduction

La France est indéniablement le pays du vin.  Les statistiques et les études abondent dans ce sens. A tel point que lorsque un français se présente à un étranger, il n’est pas rare que ce dernier insiste que le français « connait » forcément bien le vin, car il est français. (Vu hier soir, dans un navet américain, dont je ne citerai pas le nom, en parlant de Nicolas Sarkozy "the dude who married that model": "He's French, he knows wine and he has a French accent!") Être français s’apparenterait à une connaissance intime des vins, de leurs terroirs et de leur qualité.  Si ce point est très douteux (personnellement, je pense que les Anglais connaissent beaucoup mieux le vin, dans leur diversité), il n’en est pas moins vrai que les yeux du monde viticole sont depuis longtemps braqués sur la France.  Tout œnologue qui se respecte doit avoir travaillé en France et le sceau de qualité du sommelier français est un sésame qui permet de travailler partout sur terre.   Il est vrai que le vin est le sujet d’une intense et vieille passion en France, certainement plus qu’ailleurs. 

Les racines agricoles dont les français sont très fiers sont souvent assimilables à des racines viticoles et chaque français a une tradition familiale ou régionale du vin très profonde.  Le fait que la France soit le premier producteur mondial de vin, bon an mal an, et que certaines bouteilles sont identifiables de Mexico à Shanghai ne doit malheureusement pas voiler une réalité troublante : le vin français est en perte de vitesse dans les principaux marchés d’export ainsi qu’en France alors même que sa qualité moyenne n’a jamais été aussi élevée. 

Il faut bien sûr distinguer la consommation intérieure et extérieure.  En France, on boit depuis toujours du vin à tous les repas, phénomène qui s’explique historiquement par l’insalubrité de l’eau et la très grande abondance de vin peu cher.  Cette habitude toute française a été fortement délaissée depuis une trentaine d’année, raccourcissement des pauses déjeuner et contrôles routiers obligent. Aujourd’hui, les français boivent certes moins, mais ils boivent mieux, dépensant plus par bouteille et surtout témoignant d’une curiosité nouvelle pour les différentes régions et leurs vins. 

Pour ce qui est des marchés d’export, on peut parler de deux marchés importants pour différentes raisons. Les Etats-Unis, tout d’abord, sont le premier importateur de vin au monde en volume depuis 2009.  Pour des raisons historiques (les mêmes que celles de la création des « freedom fries ») beaucoup d’américains se détournent des vins français.  Certains vont jusqu’à dire que de boycotter les vins français est un acte patriotique.  Mais surtout, dans un pays où la consommation de vin progresse (au détriment de la bière),  les vins français stagnent, alors que les vins italiens et espagnols s’envolent.  Nous tenterons d’expliquer pourquoi il en est ainsi.  Aujourd’hui, à New York, Miami ou Austin (la côte Ouest est un cas à part, car on y produit beaucoup de vin), il est bien vu de boire des vins italiens ou espagnols, plus romantique peut-être, moins rigides certainement, que les vins français.
La Chine, ensuite, consomme de plus en plus de vin, et vu le potentiel de ce marché énorme, il se pourrait très bien qu’elle devienne rapidement le premier marché mondial du vin (et du Cognac, et du whisky, bref, de tout ce qui se boit).  On raconte que les Chinois adorent Lafite, car un certain Deng Xiaoping, lors de son séjour d’étude en France, serait tombé amoureux de ce flacon et aurait encouragé par la suite tous ces concitoyens à en consommer.  Grâce à l’ouverture économique et au développement rapide de la Chine initiés par Deng Xiaoping, de plus en plus de chinois sont aujourd’hui amateurs de vins fins.  On attribue d’ailleurs la flambée des prix en primeur de la place de Bordeaux depuis 2003 en grande partie à la demande émanant de Chine.  Aujourd’hui la Chine est un joli paradoxe dans le monde du vin, car les consommateurs sont de plus en plus avides de vins de qualité, mais en même temps, les modes de consommation sont archaïques et parfois peu raffinés.  En Chine, boire du vin est un symbole du sarco-saint statut économique, au même titre qu’un sac Louis Vuitton ou une Rolex.  Forcément, ce sont les vins les plus « luxueux » (comprendre les Grands Crus bordelais) qui tiennent le haut du pavé.  Mais que se passera-t-il le jour où les chinois découvriront le Barolo, le Ribera del Duero, la Napa Valley ou les grands Shiraz australiens ?  Je serais prêt à parier que leur loyauté aux crus bordelais ne s’étiole très rapidement.  On le voit déjà aujourd’hui dans la maroquinerie de luxe : Louis Vuitton et Chanel s’en sortent encore très bien, mais les marques de luxe italiennes progressent très vite.   Si la France et ses vins sont encore un symbole absolu de luxe en Chine, rien ne laisse présager qu’il en sera toujours ainsi. 

Pour ceux qui connaissent le vin français, sa diversité et son dynamisme, il est certain que la France reste le pays de référence en termes de production de vin. Malheureusement, ce message ne passe pas ou plus à l'étranger, où il est uniquement perçu comme un produit de luxe.  Et comme le marché intérieur ne suffit plus à maintenir à flot une filiale pléthorique, il est urgent de mieux promouvoir le vin français à l'étranger et de simplifier et de clarifier les règles d'appellation.