Thursday 13 October 2011

Introduction

La France est indéniablement le pays du vin.  Les statistiques et les études abondent dans ce sens. A tel point que lorsque un français se présente à un étranger, il n’est pas rare que ce dernier insiste que le français « connait » forcément bien le vin, car il est français. (Vu hier soir, dans un navet américain, dont je ne citerai pas le nom, en parlant de Nicolas Sarkozy "the dude who married that model": "He's French, he knows wine and he has a French accent!") Être français s’apparenterait à une connaissance intime des vins, de leurs terroirs et de leur qualité.  Si ce point est très douteux (personnellement, je pense que les Anglais connaissent beaucoup mieux le vin, dans leur diversité), il n’en est pas moins vrai que les yeux du monde viticole sont depuis longtemps braqués sur la France.  Tout œnologue qui se respecte doit avoir travaillé en France et le sceau de qualité du sommelier français est un sésame qui permet de travailler partout sur terre.   Il est vrai que le vin est le sujet d’une intense et vieille passion en France, certainement plus qu’ailleurs. 

Les racines agricoles dont les français sont très fiers sont souvent assimilables à des racines viticoles et chaque français a une tradition familiale ou régionale du vin très profonde.  Le fait que la France soit le premier producteur mondial de vin, bon an mal an, et que certaines bouteilles sont identifiables de Mexico à Shanghai ne doit malheureusement pas voiler une réalité troublante : le vin français est en perte de vitesse dans les principaux marchés d’export ainsi qu’en France alors même que sa qualité moyenne n’a jamais été aussi élevée. 

Il faut bien sûr distinguer la consommation intérieure et extérieure.  En France, on boit depuis toujours du vin à tous les repas, phénomène qui s’explique historiquement par l’insalubrité de l’eau et la très grande abondance de vin peu cher.  Cette habitude toute française a été fortement délaissée depuis une trentaine d’année, raccourcissement des pauses déjeuner et contrôles routiers obligent. Aujourd’hui, les français boivent certes moins, mais ils boivent mieux, dépensant plus par bouteille et surtout témoignant d’une curiosité nouvelle pour les différentes régions et leurs vins. 

Pour ce qui est des marchés d’export, on peut parler de deux marchés importants pour différentes raisons. Les Etats-Unis, tout d’abord, sont le premier importateur de vin au monde en volume depuis 2009.  Pour des raisons historiques (les mêmes que celles de la création des « freedom fries ») beaucoup d’américains se détournent des vins français.  Certains vont jusqu’à dire que de boycotter les vins français est un acte patriotique.  Mais surtout, dans un pays où la consommation de vin progresse (au détriment de la bière),  les vins français stagnent, alors que les vins italiens et espagnols s’envolent.  Nous tenterons d’expliquer pourquoi il en est ainsi.  Aujourd’hui, à New York, Miami ou Austin (la côte Ouest est un cas à part, car on y produit beaucoup de vin), il est bien vu de boire des vins italiens ou espagnols, plus romantique peut-être, moins rigides certainement, que les vins français.
La Chine, ensuite, consomme de plus en plus de vin, et vu le potentiel de ce marché énorme, il se pourrait très bien qu’elle devienne rapidement le premier marché mondial du vin (et du Cognac, et du whisky, bref, de tout ce qui se boit).  On raconte que les Chinois adorent Lafite, car un certain Deng Xiaoping, lors de son séjour d’étude en France, serait tombé amoureux de ce flacon et aurait encouragé par la suite tous ces concitoyens à en consommer.  Grâce à l’ouverture économique et au développement rapide de la Chine initiés par Deng Xiaoping, de plus en plus de chinois sont aujourd’hui amateurs de vins fins.  On attribue d’ailleurs la flambée des prix en primeur de la place de Bordeaux depuis 2003 en grande partie à la demande émanant de Chine.  Aujourd’hui la Chine est un joli paradoxe dans le monde du vin, car les consommateurs sont de plus en plus avides de vins de qualité, mais en même temps, les modes de consommation sont archaïques et parfois peu raffinés.  En Chine, boire du vin est un symbole du sarco-saint statut économique, au même titre qu’un sac Louis Vuitton ou une Rolex.  Forcément, ce sont les vins les plus « luxueux » (comprendre les Grands Crus bordelais) qui tiennent le haut du pavé.  Mais que se passera-t-il le jour où les chinois découvriront le Barolo, le Ribera del Duero, la Napa Valley ou les grands Shiraz australiens ?  Je serais prêt à parier que leur loyauté aux crus bordelais ne s’étiole très rapidement.  On le voit déjà aujourd’hui dans la maroquinerie de luxe : Louis Vuitton et Chanel s’en sortent encore très bien, mais les marques de luxe italiennes progressent très vite.   Si la France et ses vins sont encore un symbole absolu de luxe en Chine, rien ne laisse présager qu’il en sera toujours ainsi. 

Pour ceux qui connaissent le vin français, sa diversité et son dynamisme, il est certain que la France reste le pays de référence en termes de production de vin. Malheureusement, ce message ne passe pas ou plus à l'étranger, où il est uniquement perçu comme un produit de luxe.  Et comme le marché intérieur ne suffit plus à maintenir à flot une filiale pléthorique, il est urgent de mieux promouvoir le vin français à l'étranger et de simplifier et de clarifier les règles d'appellation.


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